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Pour que le CERN ne soit pas un trou noir

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Le collisionneur de hadrons (LHC) du CERN, à Meyrin. KEYSTONE
Recherche scientifique

Le CERN a beau être hébergé pour moitié sur sol genevois, et la Suisse faire partie de ses 23 Etats membres, les activités de l’organisation européenne pour la recherche nucléaire restent largement méconnues de la population. C’est donc un cri d’alarme qu’a lancé l’ONG Noé21, active dans la transition énergétique, contre le projet de Futur collisionneur circulaire (FCC)1> un collisionneur «électron-positon de très haute intensité» dans une première étape, suivi d’un collisionneur «proton-proton de très haute énergie comme but ultime». Le CERN entend construire un nouvel anneau souterrain, d’une circonférence de 100 kilomètres, entre le pied du Jura et les Préalpes françaises, qui passerait sous le lac Léman. Il remplacerait, à terme, l’actuel LHC, accélérateur de particules de 27 kilomètres «seulement» (notre article).

Plus grand, plus loin, plus fort: la recherche fondamentale poursuit des objectifs qui lui sont propres. Problème, à l’heure de l’urgence climatique, la facture énergétique et environnementale s’annonce salée. Selon les propres chiffres du CERN, le futur FCC consommera 4 TWh par an – de nucléaire français –, soit trois fois la consommation actuelle du laboratoire de physique des particules, qui correspond déjà à celle de la moitié du canton de Genève pendant une année. Le volume estimé des déchets d’excavation du projet est considérable: 9 millions de mètres cube. Il faudra faire preuve de passablement d’imagination pour valoriser autant de remblais, sachant qu’actuellement le Canton de Genève exporte déjà une partie de ses déchets de chantier.

Certes il s’agit d’évaluations, qui plus est basées sur les connaissances et technologies actuelles, alors même que la deuxième phase du projet, la plus énergivore, ne débuterait qu’en 2060. Mais son élaboration s’échafaude aujourd’hui, et c’est donc aujourd’hui, notamment à l’aune des connaissances que nous avons du réchauffement climatique et de ses conséquences, qu’un débat démocratique devrait se faire jour. Car enfin, à quoi bon modifier drastiquement nos comportements et façons de vivre si tous les efforts consentis, individuellement et collectivement, sont anéantis par le nouvel accélérateur de particules du CERN?

Science sans conscience n’est que ruine de l’âme, écrivait Rabelais il y a 500 ans. Une pensée toujours et encore d’actualité. Les Etats hôtes devront donner en 2025 leur aval au projet, dont le coût avoisinerait les 20 milliards d’euros, pour un démarrage des travaux prévu la décennie suivante. Pour l’heure, les autorités genevoises et suisses se sont contentées de discussions en petits groupes de travail, qui n’ont pas été rendues publiques.

La venue ce jour à Genève du Conseil fédéral, qui a choisi le CERN pour une séance extra-muros placée sous le signe de l’innovation, ne laisse guère penser que la Confédération envisage de mettre des cautèles à sa recherche. La question se pose pourtant: une telle infrastructure est-elle indispensable, dans quel but et à quelles conditions?

Il y a fort à parier que la communauté scientifique elle-même ne soit pas unanime. Une pesée d’intérêts doit pouvoir se faire et un contrôle citoyen s’exercer afin d’opérer les choix les plus judicieux pour aujourd’hui et pour demain.

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Opinions Christiane Pasteur Recherche scientifique

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