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Géocentrisme dévié

Cette chronique littéraire a été écrite par une étudiante en Lettres de l’université de Genève, dans le cadre de l’atelier d’écriture animé par Natacha Allet et Magali Bossi.
Géocentrisme dévié
Roman

Le Soleil tourne autour de la Terre et l’être humain prend sa place au centre de l’univers, tout comme il prend sa place au cœur d’Isla Negra. Dans son nouveau roman, Jean-Paul Del­fino nous invite à la rencontre de personnages croustillants d’humanité: un vieillard, misanthrope et taciturne, que les pouvoirs publics cherchent à expulser, un promoteur immobilier malhonnête avec les ambitions d’un Rastignac, ou encore une centenaire cynique détenant tous les secrets de la ville. Leurs vies se lient et se délient; et le style fluide et léger de l’écrivain guide l’intrigue sans à-coup jusqu’à sa résolution.

Cependant, Jean-Paul Delfino semble avoir vu trop grand. Tout au long de l’histoire, il s’attelle à mettre en lumière de nombreux thèmes qui s’inscrivent parfaitement dans la continuité de ses personnages: écologie, consumérisme, corruption, racisme… Malheureusement, ils sont traités avec légèreté, sans la profondeur ou la gravité qu’ils méritent. L’auteur manque d’informations et, en tentant de dénoncer certains travers contemporains, finit par les endosser. Une pensée féministe se voit par exemple contaminée par un discours machiste sous-jacent. Une femme qualifierait-elle vraiment ses propres seins de «dômes» ou de «globes», comme Delfino se plaît à les appeler?

Aussi, au lieu de compatir avec certains personnages et de comprendre les causes de leur mal-être, une lectrice risque de se sentir aliénée par des descriptions maladroites. Si l’ouvrage se lit bien, une idéologie en carton s’associe à des personnages qui, à eux seuls, n’ont plus les épaules assez larges pour porter leur propre histoire.

Jean-Paul Delfino, Isla Negra, Mayenne, Ed. Héloïse ­d’Ormesson, 2022, 231 pp.

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