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Cinq ans de violence et d’abus soutenus par l’EU

L’accord signé en février 2017 entre l’Italie et la Libye, avec le soutien de l’Union européenne, déploie toujours ses effets cinq ans plus tard. Alors que les exactions commises envers les migrants en Libye sont connues et documentées, dénonce Médecins sans frontières (MSF).
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Neuf cents dollars. C’est le montant qui fait la différence entre la prison et la liberté pour Kouassi1>Nom d’emprunt., 23 ans, qui, après avoir fui sa maison en Côte d’Ivoire, a été emprisonné puis vendu à des trafiquants d’êtres humains en Libye. Il a été secouru par le Geo Barrents, le navire de recherche et de sauvetage MSF, alors que l’embarcation où il se trouvait était en train de prendre l’eau et dériver au milieu de la Méditerranée. Un fois sauvé, Kouassi a raconté à l’équipe à bord sa détention en Libye pendant trois mois, en 2020, après avoir traversé la frontière depuis l’Algérie.

«Les gardes nous ont mis des chaînes aux chevilles et aux poignets. J’ai de nombreuses cicatrices sur mes chevilles depuis. J’ai passé trois mois enchaîné. Ils nous battaient, ils nous frappaient avec des barres en bois et en métal. J’ai encore des cicatrices de coups de couteau sur mon dos. C’était une prison dans le désert, une maison qui n’était pas terminée, à laquelle on nous a vendus. Nous étions environ dix dans une pièce et il y avait plusieurs pièces. Ils nous ont enlevé tout ce que nous avions sur nous. Ils ont demandé un demi-million de francs CFA [830 CHF] à nos parents pour notre libération.»

Comme Kouassi, en Libye, des milliers de femmes, d’enfants et d’hommes sont victimes de traite, de détention arbitraire, de torture et d’extorsion, simplement parce qu’ils sont migrants. A leur arrivée dans le pays, nombre d’entre eux sont enlevés et gardés en captivité par des milices ou d’autres groupes armés, ou sont utilisés par les trafiquants et les passeurs comme monnaie d’échange. Les migrants vivant dans les villes sont discriminés, persécutés et constamment menacés d’arrestations et d’incarcérations arbitraires.

«Catastrophique, c’est ainsi que je décrirais la situation actuelle en Libye, déclare Mustafa2>Nom d’emprunt., un migrant malien qui vit en Libye depuis plusieurs années. Un étranger est comme un blood diamond (aussi appelés diamants de conflits, ce sont les diamants issus des mines africaines qui alimentent les nombreux conflits armés): on peut le kidnapper pour en tirer de l’argent. De l’argent pour être libéré, puis peut-être à nouveau kidnappé. Quelques-uns finissent par mourir en détention, et quand c’est le cas, ils sont simplement jetés dehors comme s’ils étaient des animaux. Leurs familles ne savent même pas où ils sont enterrés. C’est à cause de cette situation que des gens comme moi souffrent ici. Et l’Europe donne des moyens pour alimenter ce système de souffrance.»

Le cauchemar de l’internement forcé. Plusieurs rapports internationaux ainsi que des milliers de récits de survivants attestent du traitement abominable infligé aux migrants et aux réfugiés en Libye. En novembre 2021, la mission de l’ONU en Libye a estimé que ces violations constituaient des crimes contre l’humanité. Pourtant, les gouvernements européens ferment les yeux sur ces crimes. Les preuves accablantes ne les empêchent pas de conclure des accords avec les autorités libyennes, afin de contrôler les flux migratoires vers l’Europe.

Ainsi, en février 2017, le gouvernement italien a signé un accord – parrainé par l’Union européenne (UE) – avec le gouvernement libyen: le protocole d’accord sur les migrations. Renouvelé en 2020 pour trois années supplémentaires, ce protocole s’inscrit dans une stratégie défensive plus large menée par les gouvernements européens et fondée sur une approche sécuritaire à l’égard des migrants: plutôt que leur offrir une protection, ces politiques cherchent à les empêcher d’entrer sur le territoire européen.

Dans le cadre de cet accord, l’Italie et l’UE aident les garde-côtes libyens à renforcer leur capacité de surveillance maritime au moyen d’un soutien financier et technique. Depuis 2017, l’Italie a versé 32,6 millions d’euros (34 millions de francs) pour des missions internationales de soutien aux garde-côtes libyens, dont 10,5 millions d’euros (11 millions de francs) ont été alloués en 2021.

Cette aide se fait au détriment des droits humains des migrants et des réfugiés, car quasiment toutes les personnes interceptées en mer par les garde-côtes libyens se retrouvent en détention en Libye. L’accord entre l’Italie et la Libye soutient le système d’exploitation, d’extorsion et d’abus dans lequel tant de migrants se retrouvent piégés.

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