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Le nucléaire, coûteuse illusion

REMERCIEMENTS
Energie

Présenté comme une «énergie de transition», le nucléaire est en réalité très coûteux, très long à mettre en place et engendre des risques toxiques sur d’importantes durées, détaille René Longet*, spécialiste en durabilité.

Sur fond de craintes de «pénurie», le nucléaire relève la tête, apparente planche de salut pour ceux qui ne veulent rien changer à notre mode de vie gaspilleur et destructeur. Car si, verbalement, beaucoup sont conscients des dangers à la fois climatiques et géopolitiques de notre dépendance au fossile, dans la vie quotidienne, c’est moins évident.

Cinquante pourcent des nouvelles immatriculations de véhicules à moteur sont des SUV émettant 30% de CO2 de plus qu’une voiture ordinaire. La planification énergétique fédérale avait prévu 700 éoliennes sur des sites soigneusement délimités. Or nous arrivons péniblement à 42 turbines et partout, c’est «NIMBY» – not in my backyard, pas chez moi…

Et quand il est question de véhicules électriques, on polémique au sujet des matériaux utilisés, sans du tout imaginer que leur recyclage obligatoire et l’évolution technologique pourraient être la réponse… Bref, on se cherche des excuses, que ce soit au plan des comportements ou des techniques.

La transition par le nucléaire? Mais le nucléaire est-il vraiment une alternative crédible? Tout récemment, on pouvait lire (Les Echos du 10 janvier) que l’Europe devra investir 500 milliards d’euros dans le nucléaire d’ici à 2050.

Faisons un petit calcul. Un réacteur nucléaire est aujourd’hui devisé à 15 milliards d’euros, sans compter les coûts de gestion de ses déchets et de son démantèlement, dont la facture viendra plus tard… La production d’un réacteur correspond environ à celle de 1000 éoliennes, chacune d’un coût de 6 millions d’euros. Mille éoliennes revenant à 6 milliards d’euros, c’est deux fois et demie moins cher que l’option nucléaire!

Pour 500 milliards d’euros, on peut donc implanter sur le continent européen 33 réacteurs nucléaires. Mais si on mise sur des éoliennes, le coût total pour la même production ne sera que de 195 milliards. Resteront alors 305 milliards pour développer les transports publics, la mobilité douce, assainir les bâtiments, valoriser le solaire, le biogaz, la géothermie…

Et tout ceci bien plus rapidement: alors qu’il faut autour de quinze ans pour installer un réacteur nucléaire, un tiers de ce temps suffit pour un parc éolien! Et si on arrive déjà difficilement à placer des éoliennes, qui voudrait d’une centrale nucléaire près de son habitation?

Small serait-il beautiful? La réponse du lobby nucléaire empêtré dans ses contradictions est de prôner de petits réacteurs, apparemment plus maniables, exigeant moins de surface et qui seraient moins risqués.

C’est oublier que le risque du nucléaire n’est pas d’abord au niveau de la centrale. Certes, quand elle dérape, cela marque les esprits et les territoires pour longtemps, voir Tchernobyl en 1986 ou Fukushima en 2011.

Mais le vrai danger est dans la fiabilité du «cycle» du combustible (fabrication, entreposage et retraitement). Il s’agit d’éviter la prolifération de matériaux fissiles et de parvenir à gérer les déchets sur la durée. Sous ces angles, c’est le nombre et la multiplication des réacteurs qui posent problème.

Pour notre pays, on se rappellera de l’accident survenu dans le réacteur nucléaire de Lucens en 1969; il a fallu des décennies pour venir à bout de la radioactivité qui s’en dégageait, or il avait une puissance de 6 MWe, 180 fois moins que les réacteurs aujourd’hui en service en Suisse… Dans le nucléaire, rien n’est «beautiful», même pas ce qui est «small»!

Enfin, le changement climatique joue des tours aussi au nucléaire: les fleuves n’ont plus assez d’eau en été pour pouvoir refroidir les réacteurs implantés sur leurs rives.

C’est une illusion, et un cauchemar, car au lieu d’avoir un problème – le fossile – nous en aurons deux – le fossile et le fissile…

Alors que pour la transition, les choses ont été étudiées par le menu, les stratégies, programmes et projets sont clairement définis, la finance durable est là, les emplois aussi. C’est une chance pour la cohérence de nos vies, pour des emplois qui fassent sens, pour gagner sa vie à soutenir les bases de la vie et non à les détruire.

Fournir des énergies renouvelables en place du fissile et du fossile; généraliser la sobriété énergétique et les bâtiments positifs (qui produisent plus qu’ils consomment), le commerce équitable, l’agroécologie, la chimie propre, une mobilité durable; remplacer l’obsolescence par la durée de vie et la réparabilité, tout cela mettrait aussi l’économie sur des bases plus saines, plus stables.

Cela est faisable, souhaitable, nécessaire: ne dévions pas du chemin tracé.

* Expert en développement durable.

Opinions Agora René Longet Energie

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