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Une bonne nouvelle, l’acquittement de M. Maudet en appel

Matteo Campagnolo donne sa lecture des derniers rebondissements de l’affaire Maudet, qui a vu l’ancien conseiller d’Etat acquitté en appel de l’accusation d’acceptation d’un avantage en lien avec son voyage à Abu Dhabi.
Genève

Les bonnes nouvelles sont rares. Alors, il ne faut pas les manquer. Or parfois, elles ont tendance à ne pas être comprises comme telles. Certes, le direct intéressé n’a pas manqué de fêter son acquittement en appel avec ses proches et ses partisan·es. Les nombreux électeurs et électrices qui n’ont pas estimé devoir lui retirer leur confiance alors que certains de ses actes avaient scandalisé les faibles y auront vu une confirmation de leur choix.

Il est moins sûr que tous les autres aient trouvé matière à se réjouir; en particulier, la presse qui a présenté, en général, cet acquittement comme un désaveu de la ligne du procureur général, comme une défaite personnelle pour celui-ci.

Cette vision des choses nous semble entachée de superficialité. Pour deux raisons: si les arguments du procureur général avaient été balayés en première instance, disons, presque d’un revers de main, il y aurait eu lieu de s’interroger sur le sérieux de l’accusation et de notre justice. Or, en première instance, les charges avaient été retenues.

La loi est un modèle et la réalité est infinie: elle ne se laisse pas facilement emprisonner dans des cases préfabriquées. Il suffit parfois de modifier l’angle de vision, pour que la sagesse du vieil adage latin, in dubio pro reo (le doute profite à l’accusé), serve de salutaire garde-fou. Or, cet adage s’applique à la condamnation, non à l’accusation. Ce que le procureur général n’ignore pas.

On retiendra donc que la loi, au-delà des crispations, a été bien défendue (le procureur est là pour défendre la loi et non pour l’appliquer), et que les Genevois·es, dont la majorité avait sombré dans le doute au sujet du plus brillant de ses administrateurs, peuvent pousser un petit soupir de soulagement. Pensons à ce que doit ressentir ces jours-ci la reine d’Angleterre…

Enfin, cet acquittement face à la loi ne fait que mieux renvoyer à l’avenir les élu·es à leurs responsabilités. Et le législateur à la sienne: faut-il modifier la loi? Peut-être: les temps changent, et une certaine tenue dans la conduite d’un élu, qui paraissait relever de l’évidence, aujourd’hui ne va plus de soi. C’est la conception de l’intérêt général – qui devrait être comme l’étoile du marin pour tout responsable politique – qui doit être loyalement et constamment observée, revue et réévaluée.

Cet intérêt général qui, à long terme, protège et sauvegarde également ceux qui pensent y gagner en faisant de leur propre intérêt un cas à part, une exception ou même une opposition à l’intérêt général. Or, la Suisse, avec ses spécificités en matière de gouvernement cantonal et fédéral, avec ses referenda et ses initiatives, qui rappellent que le peuple non seulement n’abdique jamais le pouvoir, mais qu’il ne le délègue jamais définitivement, est peut-être la mieux armée pour parvenir à promouvoir aussi bien la lettre que l’esprit de la justice, qui est la traduction concrète de l’intérêt général.

Matteo Campagnolo est historien.

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