Solidarité

Au prix du courage

Le Prix Martin Ennals 2022 récompense la journaliste Pham Doan Trang, le docteur Daouda Diallo et le militant Abdul-Hadi Al-Khawaja, qui tous trois paient chèrement leur lutte pour les droits humains.
Au prix du courage
Ville de Genève
Droits humains

Le Prix Martin Ennals s’est démultiplié. Trois lauréat·es se partagent désormais la fameuse distinction coattribuée chaque année depuis 1992 par la fondation éponyme et la Ville de Genève. Annoncés virtuellement mercredi 19 janvier, les lauriers 2022 vont à la journaliste vietnamienne Pham Doan Trang, au docteur et militant burkinabé Daouda Diallo et au prisonnier politique du Bahreïn Abdul-Hadi Al-Khawaja. La cérémonie officielle aura lieu le 2 juin à Genève. D’ici là, les organisateurs annoncent plusieurs actions de soutien aux lauréat·es, qui recevront chacun·e 20 000 à 30 000 francs de récompense, selon le succès de la récolte de fonds.

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Les lauriers du Prix Martin Ennals 2022 vont à la journaliste vietnamienne Pham Doan Trang, au docteur et militant burkinabé Daouda Diallo et au prisonnier politique du Bahreïn Abdul-Hadi Al-Khawaja. DR

Il n’y aura donc désormais plus de «finalistes» et de «vainqueur·e» du Prix Martin Ennals. «Le jury a pris cette décision devant l’impossible mission de choisir un·e finaliste plus ’méritant·e’ parmi des défenseur·es des droits humains faisant toutes et tous face à des menaces parfois extrêmes», nous explique la porte-parole de la Fondation Martin Ennals, Cloé Bitton.

Censure au Vietnam

Comme pour illustrer ce propos, le Prix 2022 récompense trois parcours, trois personnalités extrêmement différentes, mais qui suivent, avec la même obstination, un idéal de libertés et de respect de la personne humaine. «Le courage est leur point commun», décrit Hans Thoolen, président du jury du Prix Martin Ennals, qui se compose de dix importantes ONG de défense des droits humains.

Ainsi Pham Doan Trang, journaliste et militante démocrate, a fondé et dirigé plusieurs médias indépendants dans un pays, le Vietnam, «où la liberté d’expression est considérée comme une menace», relève Phil Robertson. Longtemps dans la clandestinité, elle est incarcérée depuis octobre 2020. Le mois dernier, la journaliste a été condamnée à neuf ans de prison pour «propagande contre l’Etat». «Pham Doan Trang est une source d’inspiration pour de nombreux·ses autres militante·s et journalistes au Vietnam», poursuit le directeur adjoint de la division Asie à Human Rights Watch, et membre du jury du Prix Ennals.

La fondation se dit «vivement inquiète» pour son état de santé. Selon des proches, Pham Doan Trang a été battue par les forces de l’ordre et «n’a accès ni à un médecin ni à un avocat».

Violences au Burkina

A plusieurs milliers de kilomètres de là, le Dr Daouda Diallo fait face à la guerre sans merci que se livrent islamistes, groupes d’autodéfense et gouvernement du Burkina Faso. Fondateur et secrétaire général du Collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés (CISC) depuis 2019, ce pharmacien de formation documente les violences commises à l’égard des civils, apporte son soutien aux victimes et prône la réconciliation nationale.

Répression au Bahreïn

Son organisation, qui bénéficie du soutien du CICR, a recensé quelque 1000 exécutions extrajudiciaires. «Le Dr Diallo a remis en question l’impunité généralisée des responsables de violations des droits humains, qu’il s’agisse des factions islamistes, des forces de sécurité de l’Etat ou des groupes paramilitaires», énonce Silke Pfeiffer, membre du jury et responsable de programme à Bread for the World. Une action qui lui vaut d’être «menacé par tous ces acteurs du conflit» et le contraint à vivre dans la clandestinité.

Troisième lauréat, Abdul-Hadi Al-Khawaja est une des figures du mouvement prodémocratie au Bahreïn. Militant pour l’égalité sociale, pourfendeur de la corruption, défenseur des minorités, M. Al-Khawaja avait cofondé le très réputé Bahrain Centre for Human Rights à son retour d’exil. Cheville ouvrière du mouvement populaire de 2011, l’activiste a été arrêté, maintenu au secret et torturé, avant d’être condamné à la prison à vie.

Abdul-Hadi Al-Khawaja a depuis mené plusieurs grèves de la faim pour améliorer ses conditions de détention. «Sa sécurité physique en prison suscite de très vives inquiétudes», écrit le jury. Sa fille dit craindre des représailles après l’obtention du Martin Ennals mais se félicite que le combat de son père ne sombre pas dans l’oubli.

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