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Pour quels bienfaits?

Dominique-Fr. Petite s’interroge sur le bien-fondé de certaines observations astronomiques.
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L’article du Courrier du 24 décembre dernier sur le lancement du télescope spatial James Webb (JWST), intitulé «Prêt à embrasser l’Univers» est embarrassant, car il ne laisse aucune place aux questionnements. Il ne s’agit, dans ces lignes, que de l’excellence technologique, de l’enthousiasme des scientifiques et de l’annonce de découvertes fabuleuses. Simultanément, le quotidien Libération clame sur le même ton: c’est «un cadeau de Noël pour l’humanité.»

La question essentielle est évacuée: quels bienfaits la communauté humaine peut-elle attendre de ces observations astronomiques? Probablement aucun. On peut espérer, tout en en doutant, que le savoir-faire technologique acquis dans le lancement du télescope pourra être utile secondairement pour des innovations terrestres. La recherche des réalités si lointaines et si anciennes au sein de l’Univers n’est-elle finalement qu’un jeu, un rêve et une satisfaction intellectuelle pour quelques milliers d’astronomes passionnés?

Une minorité de scientifiques, dans une posture plus sage, reconnaît que nous ne résoudrons jamais l’énigme de la naissance de l’Univers et de l’émergence de la Vie. Il serait donc vain d’aller sans cesse à la quête des galaxies à des milliers d’années-lumière et dans des temps proches du big-bang. Que nous importe vraiment de savoir que, dans une exoplanète inaccessible, le télescope infrarouge décèlera la «signature lumineuse» d’une molécule d’eau?

Un autre chemin de la connaissance est possible: il passe par l’acceptation des limites de notre manière de penser, d’observer, de calculer, de fabriquer. Par la reconnaissance de l’existence probable d’autres formes de vie, peut-être organisées autour d’autres molécules inconnues. Par la conscience d’un univers infini, incertain et opaque. Et ce savoir nous suffit pour affronter les réalités terrestres.

Le JWST est, dans tous les sens du terme, «hors-sol», pour paraphraser le sociologue et philosophe Bruno Latour, sans lien avec le Terrestre. Par moments, on pourrait souhaiter que, dans un mois, le déploiement du télescope échoue et que cesse ainsi cette fascination de certains médias et de leurs publics. L’observation des objets infiniment éloignés est peut-être un nouvel opium qui calme l’angoisse face à l’avenir largement imprévisible de notre habitat.

Dominique-Fr. Petite,
Lully (GE)

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