Débats viciés et vraies priorités
Les résultats des votations de ce week-end ont le mérite de la clarté. Par 62%, les Suissesses et les Suisses ont approuvé la loi Covid attaquée par référendum. Un soulagement. On pouvait craindre un vote caché, faisant mentir les sondages, comme cela s’était produit lors du scrutin sur les minarets. Cela n’a pas été le cas, la participation a été record et le camp du «oui» a même progressé un peu par rapport au vote du mois de juin. La campagne a pris une tournure exacerbée et inédite dans le pays de la démocratie semi-directe, habitué aux débats certes musclés mais respectant l’adversaire. Cette fois, cela n’a plus été le cas. Des menaces ont été proférées, des slogans indignes ont été utilisés, les médias ont été attaqués. On peut parler de sortie de route. Un des mouvements référendaires refuse même de reconnaître sa défaite, dans une posture très trumpienne évoquant un trucage du vote. Signes des temps, le Palais fédéral a dû être barricadé. Histoire d’éviter des événements comme ceux du Capitole? Et surtout, ces dérives extrémistes ont masqué les problèmes – réels en termes de libertés– que peut poser le pass Covid.
A celles et ceux de ces militant·es les plus extrémistes qui brandissent de douteuses analogies avec le régime nazi, on se bornera à rappeler que la Suisse a pu se prononcer. Ce n’est pas rien. Combien de nos voisins ont pu faire de même? Et c’est bien à un plébiscite démocratique que l’on a assisté. L’UDC, qui a joué un jeu macabre durant toute cette campagne a, une fois de plus, montré son mufle hideux de parti d’extrême droite. Elle espère sans doute en tirer quelque bénéfice électoral; elle ne songe pas un seul instant au bien commun. Sa place est-elle véritablement encore au Conseil fédéral? Les partis bourgeois ne peuvent pas se boucher constamment le nez et faire comme si de rien n’était.
On relèvera, deuxième bonne nouvelle de ce week-end, le triomphe de l’initiative sur les soins infirmiers. Un événement rare (il s’agit seulement du 24e texte accepté depuis 1891, date de l’introduction de ce droit dans l’ordre constitutionnel suisse). Oui, il ne suffit pas d’applaudir le personnel soignant; il faut aussi lui donner les moyens de mener à bien ses missions si primordiales. Les opposant·es à la loi Covid ont utilisé pour argument que la bonne réponse ne se trouverait pas tant dans les mesures sanitaires ou la vaccination mais plutôt dans un dispositif hospitalier par trop soumis aux lois du marché et, partant, sous-dimensionné. Ce week-end,les Suissesses et les Suisses ont été cohérent·es: il faut les deux, une politique sanitaire responsable et donner les moyens pour assurer une bonne prise en charge des malades.
Enfin, ce vote s’est déroulé sous la menace du nouveau variant Omicron qui se répand et dont on ne sait pas encore s’il peut se montrer résistant aux vaccins. Cela montre surtout que les pays du Nord sont placés face à leurs contradictions: la suspension des brevets des vaccins est une nécessité si l’on veut que les pays du Sud soient eux aussi vaccinés. Sinon, les variants se développeront dans ce terreau plus large, se suivront, ne se ressembleront pas et alimenteront une crise sanitaire sans fin et sans réponses. Mardi, le mouvement social rappellera cette vérité dans une grande manifestation. Le vote de ce week-end qui clarifie le débat lui permettra-t-il d’être enfin entendu?