Édito

Les mains sales

Les mains sales
KEYSTONE
Migrations

Le constat, au mois d’octobre, de la «quasi-disparition» des mineurs non accompagnés (MNA) des rues genevoises a suscité une curieuse vague de satisfaction et d’autocongratulations. La police et divers services de l’Etat savouraient avec gourmandise les fruits d’une politique concertée de lutte contre les «vrais-faux» MNA. Il faut dire que la chasse aux faux mineurs a eu l’insigne honneur d’être élevée au rang de «priorité» de la politique criminelle cantonale. L’Etat fait en effet le lien direct entre ces jeunes étrangers et la criminalité de rue.

Une unité de police «anti-MNA» qui ne dit pas son nom, une procédure administrative spécifique inéquitable, des délais de recours risibles (5 jours) et une protection juridique inadaptée, voire fantoche. Genève a investi d’importants moyens pour prouver que ces jeunes ne sont pas mineurs. Selon, la police, 95% d’entre eux auraient même entre 24 et 34 ans.

De quoi se félicite-t-on au juste? Issus de pays dits «sûrs» (ils viennent en majorité du Maghreb), ces jeunes ne peuvent demander l’asile. Reconnaître qu’ils sont mineurs leur donnerait accès à une série de droits élémentaires, tels que dormir au chaud, manger et avoir un accès à une formation. Des besoins vitaux mais jugés trop coûteux à satisfaire au vu de la politique migratoire suisse et genevoise.

En réalité, on se réjouit de ne plus être responsables du sort de ces damnés de la terre. On soupire d’aise qu’ils soient désormais le problème de quelqu’un d’autre, ailleurs en Europe.

Au fond, quelle importance qu’une personne en détresse ait 17 ou 21 ans? L’exemption d’un devoir légal n’allège en rien du devoir moral d’aider son prochain. En mettant en place cette véritable chasse, ce système de chicanes administratives et de harcèlement policier, on jette, avec beaucoup de légèreté, ces jeunes à la rue. La rue et son chapelet de malheurs: le froid, la faim, les addictions, les agressions, l’exploitation…

Cachés derrière un bout de papier et d’hypocrites justifications légalistes, nos autorités pensent pourtant pouvoir se laver les mains du sort de ces jeunes.

Opinions Édito Mohamed Musadak Migrations

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