Il y a vingt et un ans, la reconquête israélienne
Il y a vint et un ans débutait ce qu’on appelle «la seconde Intifada». Contrairement aux médias et à la majorité des militant·es, je n’ai jamais utilisé ce concept, qui crée une continuité entre l’Intifada (1987-1990), ce soulèvement extraordinaire de la population palestinienne de Cisjordanie et de Gaza contre l’occupation coloniale, et les événements qui débutèrent en octobre 2000. Ces derniers ne constituent pas un deuxième acte de l’Intifada, mais son exact contraire.
L’Intifada était une révolte populaire généralisée, non armée et installée dans la durée. Efficace aussi, puisqu’elle a réussi à imposer à Israël l’ouverture de négociations devant mener à la décolonisation des territoires occupés depuis 1967. A l’opposé, ladite «seconde Intifada» est une initiative israélienne, planifiée de longue date par Ehoud Barak et Ariel Sharon [alors respectivement premier ministre et chef de l’opposition israélienne], une reconquête de ce que le pouvoir israélien avait été obligé de lâcher à la suite de l’Intifada et des négociations que celle-ci avait imposées. Reconquête spatiale des zones dont s’était retirée l’armée israélienne, reconquête des (maigres) acquis politiques obtenus par le mouvement national palestinien.
«Intifada armée» dit-on souvent, en opposition à l’Intifada non violente. Encore une mystification: malgré le fait que la police palestinienne est armée, pas un coup de feu n’est tiré pendant plusieurs semaines, alors même que les troupes d’Ehoud Barak tirent comme des lapins les jeunes Palestiniens qui jettent des cailloux aux points d’accrochement avec l’armée: des dizaines de jeunes manifestants sont assassinés, avant que certains policiers palestiniens décident enfin de riposter avec leurs armes. Plus tard suivra une série d’attentats suicides dans les villes israéliennes.
L’opinion publique palestinienne l’a enfin compris: les accords d’Oslo [de 1993] n’ont pas débouché sur un Etat palestinien indépendant comme promis, mais sur une réorganisation de l’occupation avec la participation active d’une police palestinienne qui prend rapidement la place d’une milice collabo. Oslo donne aussi un coup d’accélérateur à la colonisation.
«Ni guerre ni paix», a récemment déclaré l’actuel premier ministre, Naftali Bennett. En termes plus explicites: normalisation de l’occupation et accélération de la colonisation dans l’ensemble de la Cisjordanie. Comme me l’a affirmé il y a peu un ami palestinien de Bethléem, «il est plus que temps de mettre un point final à l’illusion d’un ‘processus de paix’ et de travailler sur une stratégie à long terme qui puisse engendrer une véritable ‘seconde Intifada’, qui ne soit pas la mystification de 2000…»
Michel Warschawski est militant anticolonialiste israélien, fondateur du Centre d’information alternative (Jérusalem/Bethléem).