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Vieillir loin de son pays d’origine

Le nombre de personnes âgées augmente en Suisse. Au rang desquelles les seniors migrants, dont la majorité est confrontée à un accès limité aux offres publiques dans le domaine de l’âge et de la santé. Un programme de l’Entraide protestante accompagne des personnes âgées migrantes dans leurs démarches, notamment auprès des assurances sociales.
Assurances sociales

En Suisse, le nombre de personnes migrantes âgées est en constante augmentation depuis plusieurs années. En 2019, environ 335 000 migrant·es vivant sur le territoire helvétique étaient âgé·es de plus de 65 ans. Bon nombre étaient encore jeunes et en quête de travail à leur arrivée en Suisse. D’autres ont fui le Sri Lanka, les pays de l’ex-Yougoslavie ou la Somalie dans les années 1980, 1990 ou 2000. En arrivant, elles et ils pensaient leur séjour en Suisse temporaire. Pourtant, elles et ils sont encore là aujourd’hui. Après avoir travaillé plusieurs dizaines d’années en Suisse et vu leurs enfants et petits-enfants y grandir et y établir leurs racines, beaucoup, à l’âge de la retraite, ont en effet préféré y demeurer.

Mais vieillir n’est pas facile, d’autant plus pour les personnes migrantes, qui doivent relever des défis supplémentaires. Sont particulièrement touchées celles qui ne disposent que d’un faible niveau d’éducation, ont travaillé énormément et n’ont donc eu que peu de temps et de ressources pour se faire un cercle d’ami·es et apprendre une des langues du pays. En vieillissant, elles ont plus de risques d’être isolées et de souffrir de la précarité. Les personnes migrantes âgées endurent également plus souvent des troubles psychiques ou physiques que leurs pairs suisses. En outre, les études confirment que les offres publiques dans le domaine de la prévention et de la promotion de la santé atteignent rarement cette catégorie de population. Face à ce constat, les institutions des domaines de la vieillesse et de la santé sont confrontées à de nouveaux défis.
L’EPER a identifié ce problème assez tôt. En 2006, elle lançait le programme «Age et migration» à Zurich, avant de l’étendre à la Suisse romande, Bâle, la Suisse orientale et la région d’Argovie/Soleure. «Age et migration» offre un soutien aux personnes migrantes de 55 ans et plus dans de nombreux domaines. Dans le cadre de séances d’information ou en petits groupes, elles sont informées sur les thématiques importantes liées à l’âge, telles que la prévoyance vieillesse, les prestations complémentaires ou la prévention sanitaire. Elles peuvent également participer aux activités de loisirs organisées par l’EPER, comme les cafés-rencontres, les groupes de danse et les cours de yoga. L’EPER sensibilise également les institutions et communes à la situation et aux besoins des personnes migrantes âgées.

Les bénéficiaires entendent parler de ce programme via des associations pour personnes migrantes avec lesquelles l’EPER collabore, ou par le biais des fameuses «personnes ressources» qui, issues du même milieu culturel qu’elles, connaissent bien le mode de vie suisse. L’EPER les forme afin qu’elles puissent établir un contact avec des personnes migrantes âgées et construire une relation avec elles. Un système qui s’est avéré fructueux pendant la pandémie de coronavirus: comme les rencontres n’étaient plus possibles en présentiel, les personnes clés ont rapidement créé des groupes WhatsApp en différentes langues afin de rester en contact avec les participant·es, proposer des échanges interactifs ou encore des exercices de sport à la maison. Les personnes qui ne maîtrisaient pas les outils de communication numériques étaient régulièrement contactées par téléphone. Par ce biais, l’EPER a pu accompagner les personnes migrantes âgées dans cette période difficile.

Ces dernières années, le nombre de personnes réfugiées âgées venues de pays frappés par une guerre civile (Syrie, Irak, Afghanistan) a particulièrement augmenté en Suisse. Confrontées aux défis liés au vieillissement au sein d’une minorité, elles connaissent aussi les nombreuses difficultés qu’implique un «nouveau départ» dans un pays différent, après des expériences de violence et de fuite traumatisantes. Afin de les soutenir sur ces deux plans, l’EPER a lancé en automne 2019 le projet pilote «ÂGE Tandem», dans la région de Zurich, en collaboration avec la Haute Ecole de Travail Social du Nord-Ouest. Dans le cadre de ce projet, les personnes réfugiées et isolées de plus de 50 ans bénéficient d’un accompagnement individuel au quotidien et sont soutenues dans leur intégration par des bénévoles. Le phase pilote se termine fin 2021. Actuellement, l’EPER recherche des financements pour poursuivre le projet.

Paru dans Agir, le magazine de l’Entraide protestante suisse (EPER), n° 43, août 2021.
Plus d’information sur le projet Age et Migration:
www.eper.ch/age-et-migration

Opinions Agora Andrea Oertli Assurances sociales

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