Édito

Temporiser n’est pas neutre

Temporiser n'est pas neutre
Pride de Zurich 2019. KEYSTONE/IMAGE D'ILLUSTRATION
Transidentité

Que penser de l’augmentation des demandes de transition de genre parmi les jeunes et en particulier parmi les jeunes filles? Ne faudrait-il pas temporiser et repousser à la majorité cette possibilité? L’accompagnement psychothérapeutique serait-il plus adapté pour y répondre? Ces questions, une jeune et modeste association de parents les pose désormais sur la place publique, à Genève. Elles ont toutes leur légitimité, en particulier face à l’inquiétude qu’ont pu susciter les demandes de leurs ados.

L’association a pourtant suscité le courroux de sept structures accompagnant des jeunes trans, qui jugent ses réponses inadéquates et de nature à dissuader les professionnel·les de la santé d’accompagner celles et ceux qui en ont besoin. Deux médecins dénoncés sont en effet sous le coup d’une enquête de la Commission de surveillance des professions de la santé et du droit des patients – qui ne s’est pas encore prononcée. Les associations invitent aussi à ne pas déformer le résultat des recherches scientifiques, à respecter les standards de soins élaborés depuis quarante ans par l’Association professionnelle mondiale pour la santé des personnes transgenres, et à respecter le droit à l’autodétermination des jeunes. En Suisse, celle-ci est liée à la capacité de discernement, non à l’âge.

Une chose est sûre: face à une personne qui ne tolère plus de vivre dans son corps, temporiser n’est pas neutre. Et éviter le risque d’un geste irréversible est à mettre en regard avec la souffrance vécue par cette personne pour qui une transition apparaît précisément comme une aubaine de réversibilité.

Cette réalité est connue: le sentiment d’incongruence avec son sexe biologique génère de l’anxiété, des automutilations, voire davantage. Et les taux de suicide élevés parmi les personnes transgenres témoignent notamment de l’impact de la transphobie et des discriminations vécues. Quant à la psychothérapie, les recherches ont démontré qu’elle ne fonctionne pas dans les cas d’incongruence – qui ne concerne pas tous les jeunes trans ou non binaires.

Un hôpital suédois a suspendu les hormones pour les mineur·es, des craintes s’élèvent: entendons-les. Mais malgré le bouleversement que peut représenter un choix de transition, la famille reste une source de soutien fondamentale lorsqu’elle est prête à défendre le ou la jeune en questionnement. Ce sont les mots de la chercheuse et spécialiste Denise Medico. Qui constate aussi l’ampleur des besoins depuis qu’elle a repris du service en consultation privée: «J’ai l’impression qu’on a levé le voile sur un phénomène que l’on taisait auparavant.»

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