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Renforcer l’animation socioculturelle en préservant son autonomie

Gabriel Barta et Emmanuel Deonna redoutent les effets d’un transfert des charges financières du canton aux communes concernant la Fondation genevoise pour l’animation socioculturelle.
Genève

Les garanties actuelles de cohérence et de subsidiarité associative en matière d’animation socioculturelle doivent être pérennisées et consolidées, en gardant un rôle important pour le canton de Genève, et dans tous les cas en veillant de très près à la modification future de la Loi relative aux centres de loisirs et de rencontres et à la Fondation genevoise pour l’animation socioculturelle (J 6 11) au Grand Conseil.

La cohésion sociale est un objectif de tout premier plan pour une politique progressiste et humaniste. Pour la mettre en œuvre, différentes mesures sont envisageables. Comme souvent, la prévention est meilleure que le traitement. En prévoyant les facteurs nocifs pour la cohésion sociale et les éliminant ou les empêchant d’agir, on parvient à de meilleurs résultats à moindres frais.

La prévention existe sous deux formes, primaire et secondaire – la deuxième intervenant une fois le dommage survenu, afin d’en empêcher la répétition. Parmi les mesures de prévention primaire, l’animation socioculturelle occupe une place importante. Lorsqu’une maison de quartier organise un événement ou qu’un centre de loisirs ouvre un centre aéré aux enfants, nous nous trouvons entièrement dans le domaine de la prévention sociale, et pas dans celui des services à la population ou de la prise en charge.

Cette prévention primaire peut atteindre ses objectifs uniquement si elle est conçue et mise en œuvre localement, en connaissance des caractéristiques et des besoins d’une population spécifique et proche. Cette caractéristique explique pourquoi, à Genève, l’animation socioculturelle est depuis cinquante ans organisée associativement: chaque maison de quartier et centre de loisirs est gérée par une association, qui est entièrement responsable de sa politique d’animation et de ses activités. Les équipes professionnelles travaillent pour l’association, tout en étant payées par la Fondation genevoise pour l’animation socioculturelle (FASe), fondation de droit public subventionnée par le canton et les communes.

Or, récemment, le secteur de l’animation socioculturelle a été happé par un exercice pas inconnu à Genève: l’imposition d’économies au budget du canton, sans s’interroger sur la nécessité de telles économies, ni sur leurs effets secondaires néfastes – pourtant évidents. Heureusement, personne ne plaide pour l’instant en faveur d’une réduction de la somme globale des subventions, ce qui constitue une reconnaissance du rôle de l’animation socioculturelle. On évoque seulement le scénario d’un transfert des 23 millions de subvention cantonale aux communes.

Une telle décision serait néanmoins totalement erronée. Son premier effet serait de créer un fossé superflu entre le domaine de l’animation socioculturelle et le Département cantonal de la cohésion sociale, ce qui rendrait difficile voire impossible le maintien de la cohérence de l’action sociale par le canton. Son deuxième effet serait de mettre en danger la subsidiarité et la démocratie citoyenne en grignotant l’autonomie des associations dans le pilotage de leurs activités.

La loi, les statuts et l’action de la FASe actuels, malgré certaines difficultés liées à la centralisation administrative relevées récemment par le personnel et les syndicats, ont grosso modo réussi à garantir les compétences locales des associations, tant sur le contenu de l’animation qu’en matière d’organisation. Si à la place d’une fondation de droit public, il fallait transiter vers un groupement intercommunal à l’exemple du Groupement intercommunal pour l’animation parascolaire (GIAP), on peine à imaginer que toutes les communes seront d’accord de préserver la place des citoyen·nes au sein du dispositif. Il est malheureusement beaucoup plus probable que le groupement lui-même et les services sociaux des communes se mettent à donner le ton dans l’animation socioculturelle.

Or, comme l’ont relevé à la fois la Cour des comptes, le collectif Retrouver l’animation socioculturelle et légitime (Rascal) et la Fédération des centres de loisirs et de rencontre (FCLR), il est important que l’action de la FASe puisse être renforcée de façon harmonieuse sous la forme d’une politique publique de soutien à des associations de la société civile. Celle-ci doit continuer à reposer sur la libre adhésion, la participation, l’action sociale, la solidarité, sous l’impulsion de la société civile, avec un contrôle administratif réduit à son minimum.

Gabriel Barta est trésorier de l’Association pour l’animation des Acacias, Emmanuel Deonna est  député au Grand Conseil genevois, PS.

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