Enfin le calme
Avec le départ de Benjamin Netanyahou et sa famille de la résidence ministérielle de la rue Balfour, à Jérusalem, l’atmosphère dans laquelle nous vivons n’est plus la même, l’air que nous respirons est différent. A part les «bibistes» [partisans de Netanyahou] fanatiques – et ils sont nombreux –, les Israéliens et Israéliennes de gauche comme de droite apprécient avant tout le calme qui accompagne le changement de gouvernement. Finis (pour l’instant) les hurlements de Sarah Netanyahou, les déclarations ordurières quotidiennes de son voyou de fils, le squat hebdomadaire de l’ex-premier ministre aux heures de grande écoute à la télévision, où il déversait pompeusement des mensonges éhontés sur ses prétendus succès «uniques au monde».
Pour Netanyahou, faits et fantasmes se sont toujours entremêlés: un jour narrant ses rencontres avec les soldats britanniques en Palestine – alors qu’il est né après leur départ –, le lendemain avançant que sans lui, Tel Aviv ne serait qu’une petite bourgade sous-développée. Et confondant souvent sa biographie avec celle de son frère «Yoni» [Yonatan Netanyahou], héros militaire mort en 1976 lors de l’opération de libération d’otages à Entebbe, en Ouganda.
Si l’on veut résumer en un mot les trop longues années de Benjamin Netanyahou au pouvoir, le terme «bruit» nous vient immédiatement à l’esprit. Excellent orateur, il a usé et abusé de la parole, à l’intérieur comme sur la scène internationale. Une parole souvent violente, qui a aiguillonné son électorat contre celles et ceux qui s’opposaient à sa politique et à son mode de vie corrompu. Aucune personnalité politique israélienne n’a autant que Netanyahou œuvré à la fragmentation du peuple israélien en camps antagonistes et hostiles.
Le fait que le nouveau gouvernement soit une vaste coalition allant de l’extrême droite (le premier ministre Naftali Benett) à la gauche sioniste (représentée par le parti Meretz) est la garantie d’une meilleure atmosphère dans le débat public, mais aussi d’une paralysie dans les relations israélo-palestiniennes. Vu ce qu’ont fait – et surtout pas fait – les gouvernements de centre-gauche au cours des décennies passées, on ne peut pas parler d’une régression. Mais de la poursuite d’une même politique de rapine coloniale et de violence sanglante.
Ayant repoussé ad aeternam les négociations sur la création d’un hypothétique Etat palestinien, le gouvernement Benett peut se consacrer à des réformes sociétales, longtemps negligées par Netanyahou. Le Meretz conjugué au sérieux de certains ministres travaillistes laissent espérer des avancées, y compris dans la qualité de vie de la minorité palestinienne d’Israël. Mais pour les Palestinien·nes de Gaza et de Cisjordanie, ce sera du pareil au même. A moins qu’ils et elles décident, comme ils ont su le faire dans le passé, de dire basta aux Israéliens. Et alors le bruit de la révolte mettra fin au silence qui, avouons-le, nous fait tant de bien.
Michel Warschawski est un militant anticolonialiste israélien, fondateur du Centre d’information alternative (Jérusalem/Bethléem).