La torture ne peut pas se justifier
J’ai visionné le jeudi 9 septembre un documentaire de l’émission de la RTS Temps présent intitulé «Traquez et tuez Ben Laden!: l’histoire secrète». Un western moderne aussi palpitant et moralisateur que les westerns de mon enfance où les Indiens étaient aussi farouches, cruels et malfaisants qu’on l’espérait et les Cowboys, représentants de notre supériorité militaire, technique et culturelle, aussi diligents pour assurer l’ordre et aussi équitables et impartiaux qu’il était nécessaire pour massacrer ces empêcheurs de coloniser en rond. A la fin de la séance, je pouvais alors sortir, heureux et satisfait, puisque, comme on me l’enseignait, le Bien comme il se doit avait triomphé du Mal.
Le documentaire sur la traque de Ben Laden se termine, lui aussi, par la mort du personnage et, une nouvelle fois, les Américains se payent le scalp de Geronimo (nom de code donné à Ben Laden) assumant ainsi, comme ils le proclament à la fin, autant le génocide des Indiens que la torture des terroristes.
Il se trouve que j’appartiens à un pays qui, aussi, lors d’une guerre coloniale, a justifié la torture pour, disait-on, sauver des vies. Je ne comprends donc pas qu’une télévision d’Etat ait programmé cette émission, sans prendre les précautions nécessaires en rappelant au début du documentaire que la torture ne peut se justifier, d’aucune façon, même si les tortionnaires, comme ils le font sans vergogne tout au long d’une partie du documentaire, assument leurs actes et s’en glorifient.
Le risque existe qu’une partie des téléspectateurs ayant visionné cette émission y ait vu la justification de la torture lorsqu’il s’agissait de traquer le nouvel Geronimo qu’était pour eux Ben Laden.
Jacques Pous,
Genève