Économie

Le gel au Brésil affole le prix du café

La météo et une demande mondiale en progression poussent le cours au plus haut depuis dix ans.
Le gel au Brésil affole le prix du café
Le Brésil est le premier producteur de café au monde. KEYSTONE/IMAGE D'ILLUSTRATION
Brésil

Des pieds de caféier enterrés ou recouverts de sacs en papier (les mêmes que ceux dans lesquels les Brésiliens mettent leur pain!), les images impressionnent et montrent bien le désarroi dans lequel se trouve le premier producteur mondial de café. Mais le mal est fait. Le 29 juillet, au sud-est de l’Etat de São Paulo, la température a atteint – 1,2 °C, et même – 4,5° (la valeur la plus basse depuis l’installation de la station météo en 2004) le lendemain dans l’Etat du Minas Gerais.

Or, c’est dans ces Etats du sud-est que sont produits 87,5% du café brésilien. Si les pertes doivent encore être précisées, le CEPEA (Centro de Estudos Avançados em Economia Aplicada – l’institut de recherches de l’Université de São Paulo) estime que jusqu’à 30% des cultures pourraient être concernés.

Prudence des cultivateurs

Conséquences: les Bourses s’affolent et les prix sur les marchés prennent l’ascenseur. Sur le marché intérieur, l’indicateur CEPEA/ESALQ pour l’arabica (qui représente les deux tiers de la production nationale), a ainsi dépassé les 1000 reais (environ 170 francs suisses) par sac de 60 kg, atteignant même 1067 reais/sac (182 francs) le 26 juillet, sa valeur nominale journalière la plus haute depuis janvier 2012. Il en résulte un climat incertain pour les caféiculteurs, que résume Renato Garcia Ribeiro, chercheur au CEPEA: «Malgré l’augmentation de la cotation du café, les affaires ont été faibles tout le mois de juillet sur le marché brésilien. La forte oscillation des prix et, principalement, les incertitudes sur l’offre en 2022-2023 ont fait qu’une grande partie des producteurs a décidé de ne pas se lancer sur le marché.»

La faute au climat, naturellement, mais aussi au cycle biennal (phénomène d’alternance de bonnes et de moins bonnes récoltes) et, globalement, à une forte hausse de la demande, consécutive à la reprise économique due à la fin des restrictions post-Covid dans de nombreux pays. Un déséquilibre entre l’offre et la demande est donc à craindre. Après plusieurs années excédentaires, «l’offre totale devrait être inférieure à la consommation mondiale», a prévu l’Organisation internationale du café (OIC).

Hausses généralisées

Et ce constat peut aisément être généralisé aux autres produits de base: entre avril 2020 et avril 2021, selon l’Association brésilienne de l’industrie alimentaire, les matières premières agricoles ont augmenté de 20 à 100%, la hausse s’élevant à 20% pour le cacao, 37% pour le blé et le lait, 40% pour le sucre, 59% pour le riz, 79% pour le soja, 84% pour le maïs et 100% pour l’huile de soja.

Spécialisée dans la vente de soja, maïs et coton, la société de conseil AgRural Commodities Agrícolas a ainsi préconisé de réduire à 85,3 millions de tonnes (moins 5,4 millions) les prévisions de récolte du maïs brésilien cette année, alors qu’elle s’élevait encore à 102,5 millions de tonnes l’an dernier.

Au «Mercadão» de Pinheiros, le marché municipal de ce quartier de São Paulo, il n’y a pas foule entre les différents stands d’alimentation (fruits et légumes, viande, poisson…) et Alessandro fait grise mine. Pourtant, c’est la hausse des prix qui inquiète davantage le maraîcher. «En l’espace de quelques semaines seulement, les prix ont perdu au moins 20%», ce qui est préjudiciable pour les affaires. Ainsi, sur les étals, le maïs s’affiche à 8 reais le kilo (1,36 franc) alors que, plus loin, les tarifs du café varient entre 17 et 19,90 reais les 250 grammes (autour de 3 francs, soit 12 francs le kilo).

Et dans la tasse? Si augmentation il y a, celle-ci devrait être modérée, dans le sens où la matière première ne représente qu’une partie du prix final, à côté du transport, de l’emballage et du marketing. LA LIBERTÉ

La Suisse très concernée

Alors qu’elle ne cultive pas un pied de café sur son sol, la Suisse parvient à être l’un des principaux acteurs mondiaux du secteur: une prouesse rendue possible par un savoir-faire en matière de torréfaction et de transformation du café. Ainsi, en 2019, elle a importé 187 591 tonnes de café et en a exporté 83 819 tonnes pour un montant de 2,5 milliards de francs, selon l’Administration fédérale des douanes. Sans surprise, le premier fournisseur de la Suisse se trouve être le Brésil (23%). Quant à ses principaux clients, ils sont plutôt ses proches voisins européens (France 19,3%, Allemagne 12%, Italie 7,6%, Espagne 6,1%). BD

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