Édito

Internet, ce prédateur

Airbnb

Il va falloir légiférer. Le système Airbnb de location provisoire d’appartement– l’hôtellerie low cost à l’ère d’Uber soustrait quelque 1000 logements du marché genevois de la location.

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Le système AirBnB est aussi responsable de la pénurie de logements à Genève. KEYSTONE

Ceci alors que le taux de vacance – le nombre d’appartements disponibles pour la location – reste à un niveau désespérément bas et que les loyers sont toujours aussi élevés. C’est-à-dire qu’il ne s’agit pas d’étudiant-es en stage qui mettent leur appartement à disposition pour d’autres bas revenus. Mais bien d’une industrie qui prospère dans une législation incapable de s’adapter à l’économie internet.

Ces plateformes pilotées depuis la Silicon Valley se moquent du droit et des protections sociales. Elles délocalisent leurs bénéfices vers des paradis fiscaux. Et lorsque le pouvoir politique tente de réagir, elles n’hésitent pas à user de leur toute-puissance pour bloquer les velléités de légiférer. Soutenues par tous les rapaces locaux.

Et il faut dire qu’elles surfent sur des effets de mode. L’économie Uber, abusivement dite «du partage», c’est moderne. S’y opposer, c’est faire preuve d’archaïsme. C’est être voué à disparaître comme un pauvre dinosaure, dans la vulgate néolibérale. Ce qui explique aussi une certaine inertie du monde politique, par trop fasciné par ces flibustiers de l’économie. On ne brûle pas ce qu’on adore.

Sinon comment expliquer qu’il soit laissé autant de champ à la politique prédatrice des Google et autre Facebook,  qui ont siphonné la publicité et jeté à terre l’industrie des médias? L’Etat de Genève semble avoir également abdiqué sa volonté de promouvoir les logiciels open source dans le domaine de la bureautique. Et que dire de la complaisance face à Uber qui n’est rien d’autre qu’une paupérisation du secteur des taxis?

Dans le cas d’Airbnb, au-delà de la concurrence déloyale faite aux hôteliers, c’est l’édifice de protection des locataires qui est ébranlé, la fameuse LDTR. Celle-là même qui a permis d’éviter que le centre de Genève soit transformé en monoculture de bureaux, entourée de quelques beaux quartiers, avec une relégation des gueux dans un ghetto, des banlieues ou des cités. Si la gauche – majoritaire désormais au sein de l’exécutif genevois – décide effectivement d’empoigner ce dossier, et il faut le souhaiter, la réaction des partis sera intéressante. Où la priorité sera-t-elle mise? Sur la défense de l’intérêt général, ou le bling-bling de quelques milliardaires californiens?

Opinions Édito Philippe Bach Airbnb

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