Honteuses inerties
Depuis lundi, Ocean Viking, le navire de secours de SOS-Méditerranée, attend que les autorités maritimes compétentes lui attribuent un lieu pour débarquer 555 migrant·es qui s’entassent à son bord après avoir été sauvé·es de la noyade par l’ONG. La réponse se fait attendre, pour employer un euphémisme. Seules trois personnes ayant besoin de soins ont pu être évacuées par hélicoptère. Toutes les autres souffrent de la chaleur et de la houle sur le pont, plusieurs évanouissements sont déjà signalés… Mais aucun port n’est désigné.
Il est déjà honteux que le sauvetage de ces malheureuses et malheureux soit assumé par des associations. Qu’attendent les autorités européennes pour décréter l’état d’urgence? Il doit bien exister quelques frégates militaires qui pourraient être employées avec intelligence. Que de surcroît les pays européens traînent les pieds pour accueillir ces victimes est indigne des valeurs démocratiques. Rappelons que le droit maritime – un des plus anciens du corpus juridique mondial – prévoit une obligation d’assistance. Là où les choses se gâtent, c’est qu’ensuite le droit est un peu plus flou. Le débarquement dans un lieu sûr – et on se doute que la Libye, pays de provenance, n’entre pas dans cette catégorie – est également prévu dans les conventions internationales. Mais avec suffisamment de clauses échappatoires sur la célérité requise…
Résultat: les Etats détournent le regard et traînent des pieds. Pensez, cela va créer un appel d’air. Et il s’agira encore de réfugié·es qu’il faudra se répartir selon des quotas qui peinent, eux aussi, à être respectés. Ce cynisme est effrayant. Il consiste à rester sourd aux appels du HCR (Haut commissariat des Nations unies aux réfugiés) et à s’accommoder de la noyade de dizaines de milliers de personnes en Méditerranée plutôt que de mettre en œuvre le principe élémentaire d’humanité.
Il n’est pas sûr qu’il soit possible de barboter indéfiniment dans les eaux boueuses de l’inertie politique et de se satisfaire des marges de manœuvre que permet un vide juridique entretenu par ces mêmes pays, et qu’il serait si facile de combler. Si ce n’est pas le droit qui va rattraper les pays occidentaux coupables de non-assistance à personnes en danger, c’est l’histoire qui se chargera de juger sévèrement ces méthodes de piraterie politique.
Certains auront honte, d’autres se demanderont comment une telle sécheresse de cœur était possible. Il sera trop tard pour les victimes qui reposeront dans cet immense cimetière marin que devient la Méditerranée.