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«Une stratégie qui nuira au tournant énergétique»

«Il n’y aura pas de tournant énergétique avec un marché de l’électricité libéralisé.» L’Union syndicale suisse qualifie d’«irresponsable» l’ouverture complète du marché de l’électricité prévue par le Conseil fédéral.
Energie

Le Conseil fédéral semble n’avoir rien appris des dernières semaines: malgré l’échec de l’accord-cadre [avec l’Union européenne] et de la loi sur le CO2, il veut maintenant faire passer la libéralisation totale du marché de l’électricité avec un projet de loi complètement surchargé. C’est une stratégie irresponsable, qui nuira finalement aussi au tournant énergétique.

C’est avec incompréhension que l’Union syndicale suisse (USS) a pris acte du message présenté par le Conseil fédéral sur l’«acte modificateur unique pour un approvisionnement en électricité sûr»1>Lire «Le Conseil fédéral veut réformer l’énergie», ATS, https://lecourrier.ch/2021/06/18/le-conseil-federal-veut-reformer-lenergie/. Les syndicats se sont toujours opposés à l’ouverture du marché de l’électricité aux petits consommateurs, pour de bonnes raisons. Les promesses de ce projet – des prix plus bas, une meilleure qualité! – ne sont pas réalistes. D’une part, la Suisse dispose déjà d’un approvisionnement en électricité de qualité et d’une stabilité du réseau, d’autre part, les prix réels de l’électricité pour les clients finaux privés sont ici plus bas que dans le reste de l’Europe. Si le marché était entièrement libéralisé, quelque 700 entreprises d’approvisionnement en énergie se retrouveraient en concurrence pour attirer les clients finaux dans tout le pays – avec des campagnes de marketing coûteuses financées par les prix de l’électricité. Les distributeurs d’énergie y perdraient la prévisibilité et la sécurité des investissements, soit la base de la stabilité du réseau et du passage à un approvisionnement décentralisé en énergies renouvelables.

Après l’échec de l’accord-cadre en particulier, il est totalement incompréhensible que le Conseil fédéral s’en tienne à l’ouverture du marché de l’électricité. Après tout, elle a toujours été décrite essentiellement comme une condition nécessaire à la conclusion d’un accord sur le marché de l’électricité avec l’UE, qui fait désormais partie des perspectives lointaines. Seules les grandes entreprises électriques FMB, Axpo et Alpiq, au service desquelles le Conseil fédéral semble maintenant vouloir se mettre, ont un intérêt matériel à l’ouverture du seul marché domestique de l’électricité.

Conscient de cette situation partiellement compliquée, le Conseil fédéral a emballé l’ouverture du marché de l’électricité dans l’«acte modificateur unique» en la liant à la révision de la loi sur l’énergie pour promouvoir les énergies renouvelables incluses dans le paquet. Qu’un paquet aussi chargé n’ait aucune chance réelle en votation populaire aurait dû paraître clair au Conseil fédéral, au plus tard après les dernières votations.

Heureusement, au cours de la session d’été qui vient de s’achever, le parlement a posé les jalons pour que le tournant énergétique ne subisse pas bientôt le même naufrage que celui de la protection du climat. La mise en œuvre de l’initiative parlementaire «Promotion les énergies renouvelables de manière uniforme», qui vient aussi d’être adoptée par le Conseil national, anticipe de nombreux éléments importants de la révision de la loi sur l’énergie, et ce sans ouverture dommageable du marché de l’électricité. Le Conseil des Etats doit maintenant faire avancer au plus vite les travaux de cette révision et développer davantage la promotion des énergies renouvelables (notamment le photovoltaïque) et de l’efficacité énergétique.

Notes[+]

Reto Wyss est secrétaire central de l’USS.

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