Édito

Délit de non-assistance en mer

Délit de non-assistance en mer
Alors que nombre d’Européens partent se rafraîchir dans la Méditerranée, des milliers de personnes fuyant la guerre et la misère s’y noient actuellement en tentant de franchir l’obstacle naturel. KEYSTONE
Migrants en Méditerranée

Il est de certains sujets que l’on voudrait tellement voir disparaître, mais qui se répètent année après année. Alors que nombre d’Européen·nes partent se rafraîchir dans la Méditerranée, des milliers de personnes fuyant la guerre et la misère s’y noient actuellement en tentant de franchir l’obstacle naturel. Vingt-deux mille morts ont été recensés par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) depuis 2014 et il ne s’agit que de ceux qui ont pu être répertoriés. Après une légère baisse en 2020 en raison du Covid-19, l’hécatombe a repris de plus belle. Si rien n’est entrepris, l’été 2021 s’annonce particulièrement meurtrier. Les quelque 850 décès comptabilisés depuis le début de l’année ne pourraient être qu’un avant-goût de ce qui attend la belle bleue.

Aucune fatalité pourtant: la Méditerranée est relativement petite, les technologies modernes permettent de repérer les frêles esquifs pneumatiques, et les navires sont suffisamment nombreux pour sauver les naufragés. La vérité est cruelle: obsédées par la fausse théorie de l’«appel d’air», et mises sous pression par les mouvements xénophobes, les autorités européennes préfèrent laisser les potentiels réfugiés, femmes et enfants compris, se noyer. Non contents de barrer les voies légales de l’asile, en fermant par exemple les bureaux qui y étaient dédiés dans les ambassades des pays d’origine, les Etats du Vieux Continent ont aussi mis fin en 2014 à leurs opérations de sauvetage en mer. «Prions aussi pour ceux qui peuvent aider mais préfèrent regarder d’un autre côté», déclarait en avril dernier le pape François après un naufrage ayant fait 130 victimes. Mais la réalité est encore plus écœurante. Aujourd’hui, il ne s’agit pas seulement de non-assistance à personne en danger, mais d’entrave à ceux qui répondent à ce même devoir de secourir: sur les onze bateaux de secours affrétés actuellement par des ONG, deux se trouvent actuellement en quarantaine, et huit sont bloqués dans plusieurs ports européens pour des raisons «techniques» ou «administratives». Un seul navire, l’Ocean Viking, navigue actuellement à la recherche de survivants. Ces derniers jours, le bateau qui bat pavillon pour SOS méditerranée a sauvé 572 personnes.

L’ONG sait qu’elle ne peut couvrir toute la zone de navigation et suppose que d’autres naufragés périssent sans laisser de traces. D’autres esquifs de fortune sont secourus par des navires commerciaux, mais certains sont remis ensuite en toute illégalité aux gardes-côtes libyens avant d’être débarqués dans ce pays où ils sont souvent torturés et parfois monnayés comme des esclaves.

Seule une action citoyenne d’ampleur en Europe est susceptible de mettre fin à cette barbarie. Au-delà de la solidarité financière en faveur des opérations de secours, les ONG présentes en Méditerranée suggèrent sur leurs sites respectifs différents moyens d’interpeller les autorités européennes1>Par exemple: https://toussauveteurs.org/Les-sauveteurs.

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