Édito

Un pas vers la réconciliation?

Un pas vers la réconciliation?
C'est dans une mise en scène soigneusement orchestrée, au théâtre du Liceu de Barcelone, que le premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, a dévoilé lundi l’adoption d'une mesure critiquée aussi bien par l’opposition de droite que par les indépendantistes. KEYSTONE
Espagne

Les images de la répression policière, après l’euphorie du vote en faveur de l’indépendance catalane en 2017, sont encore vives. Le pacifique «référendum anticonstitutionnel» s’était soldé par un lourd retour de bâton flirtant avec les méthodes des régimes autoritaires. Neuf à treize ans de prison pour neuf leaders «sécessionnistes», et l’exil pour six autres, dont Carles Puigdemont, figure emblématique.

Mais mardi, le gouvernement espagnol du socialiste Pedro Sanchez a approuvé la grâce des «prisonniers politiques», un préalable indispensable à la reprise du dialogue, interrompu par le Covid. Ce rapprochement a été négocié entre les socialistes, Podemos – également représenté dans le gouvernement – et ERC, la formation de l’actuel président de Catalogne, Pere Aragonès, sans laquelle Pedro Sanchez ne peut faire passer le budget au parlement espagnol.

Reste que le courage de cette main tendue – avec l’aval du roi – est à la hauteur de son impopularité dans une Espagne chauffée à blanc par la droite, son extrême et une grande partie des médias. D’autant que le gouvernement suscite aussi l’insatisfaction, du moins affichée, de Carles Puigdemont et d’indépendantistes réclamant l’amnistie et non la grâce. Et, surtout, l’abandon des charges contre les exilé·es, dont deux femmes réfugiées à Genève.

En réalité, Catalanes et Catalans ont déjà obtenu beaucoup: la liberté pour leurs figures indépendantistes. Une promesse d’air libre très concrète, en plus du message politique et symbolique. Le sort de Puigdemont, installé en Belgique et qui risque vingt-cinq ans de prison, et consorts se discutera dans un second temps. Rien ne presse: les pays hôtes, dont la Suisse, ont très vite isolé l’Espagne en refusant toute extradition, tandis que le Conseil de l’Europe vient de demander l’abandon des procédures.

Reste le cœur du conflit: Madrid, confronté à un second foyer séparatiste au Pays basque, laisse seulement miroiter une plus grande autonomie. L’impasse est-elle inévitable, alors qu’ailleurs en Europe, l’Ecosse penche en faveur d’une reprise en mains de son destin?

Pas sûr. Il faut se souvenir que la crise a démarré quand, il y a plus de dix ans, la Cour constitutionnelle espagnole a invalidé une réforme offrant davantage d’autonomie à la Catalogne, la poussant dans la voie plus radicale de l’indépendantisme. Celle du dialogue pacifié, qui sait, pourrait donner moins de raisons de vouloir une séparation complète.

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