On nous écrit

Des Suisses à réhabiliter

Daniel Künzi évoque les trajectoires de certains résistants à la suite d’un article sur les Suisses dans la Résistance.
Histoire vivante

Dans votre édition du 18 juin, vous consacrez un article aux Suisses oubliés de la Résistance.

Pascal Fleury note à propos des résistants: «Longtemps oubliés, ils viennent d’être recensés pour la première fois par l’historien Peter Huber.» En effet, il aura fallu plus de quatre-vingts ans pour qu’une étude scientifique donne lieu à une liste de ces Suisses qui ont rallié la Résistance.

Lienhard Büholzer, le dernier Suisse encore en vie ayant combattu les troupes hitlériennes, est mort il y a quelques mois, le 18 novembre 2020, dans sa 101e année. Je l’avais interrogé il y a une vingtaine d’années à la Maison de retraite des légionnaires d’Auriole dans le sud de la France, dans le cadre de mes films sur les Suisses qui ont rallié de Gaulle!

Né en 1919 dans le canton de Lucerne, issu d’une famille très pauvre, il a été placé chez des paysans, où ce géant, il devait bien mesurer près de deux mètres, connut la faim. A la première occasion venue il quitta la Suisse, après avoir vagabondé à Paris, la police française lui proposa la Légion ou le rapatriement. Ayant ouï dire que l’on mangeait à sa faim à la Légion, il n’hésita pas! Et quelle ne fut pas sa déception de découvrir le premier plat qu’on lui servit sous l’uniforme: quelques sardines. Mais quelle ne fut pas sa joie de découvrir qu’il s’agissait du hors-d’œuvre, dont il ignorait l’existence. Puis ce fut la découverte des pommes de terre frites. L’apprentissage de la lecture et de l’écriture alors que dans son village natal il était considéré comme l’idiot du village.

Bref, en juin 1940 il est blessé à cheval lors d’une attaque de Stuckas en piqué. Pour son malheur, il est fait prisonnier des Allemands. Prisonnier de guerre, il sera affecté au désamorçage des bombes à Hambourg.

Après une tentative d’évasion, il est détenu dans un camp de travail dans le sud de l’Allemagne. Il réussira à s’échapper pour rallier les partisans de Tito en Yougoslavie. Il participera à de nombreuses embuscades. De retour en France, il refuse un second contrat de légionnaire en avançant qu’il n’a pas combattu contre les troupes d’occupation nazie en Yougoslavie pour endosser la tunique d’oppresseur en Indochine.

Vous notez ensuite «alors qu’en 2009, le parlement réhabilitait les brigadistes de la guerre d’Espagne, les volontaires helvétiques engagés dans la Résistance française étaient exclus du processus, au prétexte que leurs noms, leur nombre et leurs motivations n’étaient pas connus».

Comme vous l’écrivez, ce n’est qu’un ridicule «prétexte». Car il faut rappeler que le Conseil municipal de la Ville de Genève a délibéré dès l’année 2000 de la réhabilitation de ces résistants. Quelques années plus tard, Zinia Rolando, résistant, participera à l’inauguration d’une plaque, par laquelle la Ville de Genève exprime sa reconnaissance aux Suisses qui, au péril de leur vie, ont combattu le nazisme. Une jolie satisfaction pour cet ancien pensionnaire de Champ Dollon, prison où il purgea sa peine pour avoir «affaibli la puissance défensive de la Suisse»!

Parallèlement, la Ville de Neuchâtel rendait hommage à Georges-Henri Pointet, le seul officier suisse mort au combat contre les troupes hitlériennes lors du débarquement de Provence. Une plaque figure sur la façade de l’immeuble qui l’abrita à Neuchâtel. Elle a été posée en 2002.

Et que dire de la genevoise Aimée Stitelmann? Elle a été pleinement réhabilitée en 2004 par les autorités helvétiques. Elle aussi avait été emprisonnée, puis condamnée par les tribunaux militaires helvétiques, pour son aide à des enfants juifs pour les faire passer la frontière, mais aussi pour avoir servi de courrier à la Résistance. Une école porte son nom!

Daniel Künzi,
cinéaste, Genève

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