Musique

Sombres mélodies comme remède pour l’âme

Impure Wilhelmina, l’inclassable groupe genevois au quart de siècle d’existence, livre son Antidote à la morosité ambiante.
Sombres mélodies comme remède pour l’âme
Mario Togni, Michael Schindl, ­Diogo Almeida et Sébastien Dutruel. MEHDI BENKLER
Disque

«La musique triste a ce pouvoir paradoxal de nous rendre la vie plus belle. Les textes sombres ont un effet thérapeutique, quasi cathartique.» C’est avec ce credo que Impure Wilhelmina oscille avec élégance entre metal, post-rock et post-hardcore, faisant fi de toute étiquette. Pour fêter ses vingt-cinq ans d’existence, le groupe genevois sort son septième album, Antidote. La voix mélodique de Michael Schindl, chanteur, guitariste, compositeur et parolier, plonge dans les abîmes de l’existence pour mieux nous en libérer.

Titre évocateur en cette période de pandémie, Antidote reflète bien les vicissitudes de cette dernière année si particulière. «Avec cet album, nous voulions des morceaux plus tortueux avec des parties plus instrumentales, des structures plus complexes», ­explique Michael Schindl. Le groupe a fait ses valises pour enregistrer guitares, basse et batterie au HOFA-­Studios à Karlsdorf en Allemagne (Bade-Wurtemberg). «C’était en ­février 2020, se souvient le chanteur. On commençait à entendre parler de ce mystérieux virus.» En mars, pendant le confinement, le groupe est de retour à Genève. C’est chez Yvan Bing que les voix prennent forme. «J’ai eu de la chance, je pouvais aller travailler tous les jours au Kitchen Studio. C’était un réel exutoire.»

Riffs durs et lyrisme

Plus complexe que les deux albums précédents, Black Honey (2014) et Radiation (2017), Antidote garde la voix désormais majoritairement claire de Michael comme fil conducteur. Avec Mario Togni à la batterie, Diogo Almeida à la seconde guitare et Sébastien Dutruel à la basse, le groupe navigue entre riffs durs et échappées lyriques. Surfant sur des influences aussi variées que le rock, la new wave, le black metal et le grunge, Impure Wilhelmina, ­signé chez le prestigieux label franco-étasunien Season of Mist, maîtrise parfaitement son sujet.

Exemple magistral de cette virtuosité, le premier titre du disque, «Solitude», s’ouvre avec une batterie lourde et des guitares incisives qui entrelacent leurs motifs durant plusieurs minutes. «Ce début de chanson est assez inhabituel pour nous. La partie sans voix permet de s’immerger dans l’ambiance de l’album. Il nous a paru évident de le placer en premier.» En grande partie instrumental, «Solitude» passe subtilement d’une guitare mélodique inspirée du metal, à la dissonance du hardcore. Ce n’est qu’après trois minutes que la voix fait son entrée avant de s’éteindre et de laisser à nouveau sa place à la mélancolie des guitares.

Une lueur d’espoir?

Si le groupe a évolué vers des structures plus élaborées, il ne délaisse pas pour autant les refrains entêtants. «J’aime l’efficacité de la pop, l’alternance refrain-couplet, explique Michael Schindl. C’est la mélodie qui reste le plus important pour moi.» Malgré ses paroles foncièrement pessimistes, le refrain de «Dismantling», démantèlement en français, rugit comme un hymne à la combativité et à la résistance. Tout d’abord chanté, il est hurlé à la fin du morceau, rappelant les origines hardcore du groupe.

Impure Wilhelmina nous invite dans un sombre voyage à travers la solitude, la laideur de l’âme humaine et la vanité de l’existence, tout en entrevoyant une lueur d’espoir. «Antidote», interlude musical de moins de deux minutes, offre un court répit sous la forme d’une douce balade à la guitare. Mais le groupe genevois sombre à nouveau dans la noirceur avec le titre «Everything is Vain». «J’ai toujours préféré la musique triste, explique Michael Schindl. A l’origine, dans Impure Wilhelmina, il y avait plus de parties criées que chantées, mais maintenant, la proportion s’est inversée. Le chant clair et la mélodie me permettent d’exprimer cette mélancolie que j’aime dans la musique.»

Esprit du groupe resté intact

En vingt-cinq ans de carrière, le groupe a évolué, mais ne s’est jamais trahi. ­Influencé à ses débuts par la scène metal des années 1990 et le doom, Impure Wilhelmina a su intégrer la finesse du chant et des paroles de groupes comme The God Machine ou The Cure. «J’ai toujours essayé de chanter de manière naturelle, sans vouloir imiter quelqu’un, confie Michael Schindl. En plus de ma voix, je pense que les paroles ont pris plus d’importance avec le temps. Malgré ces changements, ­l’esprit du groupe est resté intact et c’est pour ça que le public nous reconnaît et nous suit toujours.»

Si Antidote représente une panacée pour l’âme, il ne peut rien en revanche contre les nombreuses annulations de festivals et concerts de cet été. «La plupart des événements ont été reportés à l’année prochaine avec la même programmation. En attendant, on espère pouvoir remonter sur scène dès cet automne.»

Impure Wilhelmina, Antidote, Season of Mist (distr. Irascible).

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