On nous écrit

Des principes variables

Marcel Gerber réagit à un article publié le 26 mai.
Bélarus

On ne nous dit pas tout! Les déchaînements médiatiques se suivent concernant le Bélarus, seul pays ayant conservé les aspects socialistes de l’ex-URSS, donc à «démocratiser». L’avion irlandais parti d’Athènes pour Vilnius, capitale de la Lituanie, qui se trouve à environ 25 km du Bélarus et à 170 km de Minsk, est déjà proche de cette frontière quand vient l’annonce d’une bombe à bord. Les contrôleurs aériens de l’aéroport de Minsk proposent aux pilotes selon les règles en usage d’y revenir et de mobiliser tous ses services pour sécuriser l’atterrissage. Rien ne les y oblige, mais les pilotes décident curieusement d’accepter cette proposition, alors que ce n’est pas la présence d’un Mig venu les escorter qui peut dissuader un pilote de continuer sa route, on n’abat pas un avion parce qu’il a une bombe à bord. Cette affaire sent comme souvent un peu trop l’intox, à l’image du Novitchok placé dans le slip de Navalny.

Parmi les passagers sortis de l’avion pour permettre sa fouille se trouve un «jeune journaliste», Roman Protassevitch, qui est sous le coup d’un mandat d’arrêt international lancé par le Bélarus pour terrorisme (il avait appelé l’été dernier à commettre des actes de terreur contre les familles des employés du secteur public biélorusse qui refusaient de faire grève). Son arrestation scandalise tous nos Etats vertueux tellement silencieux lorsque que de nombreux manifestants en Colombie sont actuellement tués par balles.

Le «jeune journaliste» en passe de devenir un héros de la démocratie, à l’instar d’un Navalny, mérite d’être un peu mieux connu. Malgré son aspect jeune, c’est un vieux routier de la mouvance néonazie avec le goût des armes et de vieux engagements guerriers comme son incorporation dans le bataillon néo-nazi AZOV dès janvier 2015 en Ukraine pour combattre la dissidence russophone dans le Donbass. Maintes photos sur Internet montrent ce personnage sous un jour peu ragoûtant comme celle où il fait le salut hitlérien ou celle habillé en soldat avec un casque siglé SS sur la tête. En 2017, il a été embauché par Radio Liberty (radio anticommuniste en Pologne financée par les Etats-Unis) et a effectué des stages de «formation» à Prague et aux Etats-Unis. Financé et coaché par eux, il a joué un rôle important lors des manifestations au Bélarus l’été dernier.

On peut plaindre les Etats-Unis, l’UE et consorts de n’avoir comme modèle à défendre au nom de principes démocratiques qu’un sinistre personnage. Et d’avoir des principes variables comme lors de l’atterrissage forcé sur l’aéroport de Vienne et sur ordre des Etats-Unis de l’avion du président bolivien Evo Morales, ayant soi-disant Snowden à son bord. Ou l’arraisonnement en zone internationale des leaders du FLN par la France. Ou, comme on l’a apprit récemment, la tentative des Etats-Unis en 1961 de pousser le pilote cubain à scratcher l’avion ramenant Raoul Castro de Moscou à La Havane.

Marcel Gerber, Le Mont (VD)

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