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En Afrique, détournements de fonds Covid et défiance face au vaccin

EST-CE BIEN RAISONNABLE?

Après la pluie de millions de dollars qui s’est abattue sur les pays africains pour lutter contre la pandémie de Covid-19, l’heure des comptes a sonné. Et les résultats sont édifiants, puisqu’ils font état de détournements de fonds considérables, rappelant ainsi que le pire des fléaux, en Afrique, est la corruption qui gangrène les pouvoirs en place, en tout impunité et irresponsabilité. Avec, à la clé, une question, simple: comment la «communauté internationale» et les institutions financières peuvent-elles continuer à déverser des sommes colossales sur des Etats dits pauvres, dont les responsables politiques sont connus pour leur prédation?

Dans cet affligeant palmarès, le Cameroun figure en bonne place. Ce pays d’Afrique centrale, dont le président, Paul Biya, 88 ans, est au pouvoir depuis trente-neuf ans, affronte en ce moment l’un des plus graves scandales financiers de son histoire, qualifié de «Covidgate». Un rapport des comptes de la Cour suprême, dont la synthèse circule depuis le 19 mai sur les réseaux sociaux, détaille les circuits mis en place par l’élite politique et économique pour faire main basse sur un pactole de quelque 275 millions d’euros, mis à la disposition du Cameroun par les bailleurs de fonds pour affronter la pandémie. Des faits criminels, à l’heure où les conditions de vie de la majorité de la population se sont fortement dégradées.

Le Cameroun n’est certes pas le seul pays africain à être montré du doigt pour sa gestion des fonds Covid. Au Kenya, 21 millions de dollars destinés à l’achat de matériel médical ont ainsi «disparu». En avril dernier, le président du Malawi annonçait plusieurs arrestations de fonctionnaires ayant détourné quelque 6,5 millions d’euros des fonds destinés à lutter contre le coronavirus. En Afrique du Sud, le terme de «covidpreneurs» désigne désormais les «entrepreneurs du Covid» qui ont tiré profit de la gestion de la pandémie dans des conditions illégales.

Cette ambiance délétère joue-t-elle un rôle dans le fait que, sur le continent africain, les gens font preuve de défiance face au vaccin et ne se pressent guère pour y avoir accès? Peut-être, mais ce n’est certainement pas la seule raison. Dans l’inconscient collectif demeure encore le souvenir de ces vaccins testés en Afrique, où les populations avaient le sentiment d’être prises pour des cobayes. La rapidité avec laquelle les vaccins contre le Covid-19 ont été mis sur le marché questionne et inquiète, tout comme les récits d’effets secondaires, dont regorgent les réseaux sociaux. Et ce alors que le continent africain continue à être bien moins affecté par le Covid que d’autres régions du monde.

C’est ainsi qu’en avril dernier, la République démocratique du Congo (RDC) annonçait qu’elle allait rendre à l’initiative Covax 80% des 1,3 million de doses de vaccins AstraZeneca reçues, avant leur date de péremption, faute de candidats. Et que le Malawi et le Soudan du Sud provoquaient une onde de choc en annonçant avoir détruit plusieurs milliers de doses de vaccins qui n’avaient pas trouvé preneur. En Côte d’Ivoire, comme dans d’autres pays, des appels ont été lancés aux expatriés pour qu’ils se fassent vacciner, alors que la population du pays ne se pressait guère dans les centres de vaccination.

Mais ni les détournements de fonds Covid ni la défiance face aux vaccins ne semblent décourager la «communauté internationale». Le 19 mai dernier, le Conseil de sécurité des Nations unies invitait «les pays développés à accélérer le don de doses de vaccins aux pays africains». Tandis que le Sommet sur le financement des économies africaines réuni à Paris le 18 mai assurait vouloir mobiliser 100 milliards de dollars pour aider le continent africain à faire face à la pandémie du coronavirus et à ses conséquences.

Catherine Morand est journaliste

Opinions Chroniques Catherine Morand

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lundi 8 janvier 2018

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