A Nyon, un projet de crématoire animalier secoue tout un quartier
Jeudi 1er avril 2021, 17 heures, veille d’une pause pascale bien méritée. Nous avons tous cru à un poisson d’avril de mauvais goût envoyé par notre responsable PPE, mais nous allions très vite apprendre qu’il n’en était rien. Voilà plus d’un mois que notre immeuble et quartier (Stand, Tines, Boiron), à Nyon, se mobilisent pour faire opposition à un projet absurde, prévu à quelques mètres seulement de nos fenêtres, balcons et potagers. Non, ce n’était pas une blague fumante: au matin du 6 avril apparaissait la mise à l’enquête d’un projet d’aménagement de crématoire animalier, route du Stand 45, à Nyon.
Concrètement, sur le bâtiment transformé sont prévus trois grands aéro-refroidisseurs, quatre grosses cheminées à moins de 20 mètres des fenêtres des habitations, dégageant du lundi au vendredi une grosse production de chaleur, de fumées et de gaz. Bien des questions se posent: sera-t-il encore possible d’ouvrir les fenêtres pour aérer son logement? De boire un café ou une bière sur son balcon? Devra-t-on subir des odeurs désagréables? Des microparticules (dioxine, mercure, furane, métaux lourds…) dangereuses pour la santé?
Bien sûr, on nous promet des filtres ultra-performants minimisant les échappements et répondant certainement aux normes légales en vigueur en Suisse. Mais – l’amiante était également une solution innovante répondant parfaitement aux normes de l’époque – rien ne prouve qu’il n’y aura pas d’impacts négatifs. Aucune garantie à 100% d’absence de nocivité pour la santé des plus petits comme celle des plus âgés.
Peut-on accepter de tels désagréments, pollution de l’air et mise en danger de la population dans une zone d’habitation aussi densément peuplée – environ 2500 habitant·es, deux crèches et des écoles à proximité? Dans ce périmètre, un écoquartier en construction inclut quelque 130 appartements (et 360 futur·es habitant·es non informé·es), une nouvelle crèche et un projet d’EMS. Est-ce normal que ni le médecin cantonal ni le vétérinaire cantonal n’aient donné leur autorisation?
C’est la société Crématoire animalier suisse de Seon (AG), déjà propriétaire de deux crématoires à Seon et Dübendorf (ZH) dans lesquels sont brûlés 24 000 cadavres d’animaux par an, qui a acheté la halle de l’ancienne savonnerie et déposé ce projet. Ce sera leur premier crématoire en Suisse romande. Visiblement très rentable – l’entreprise affiche un chiffre d’affaires annuel de 6,5 millions de francs. Selon nos estimations, nous prévoyons plus de 1000 crémations par mois, soit une moyenne de 33 par jour; avec inévitablement des répercussions importantes en termes d’augmentation du trafic routier, de bruit et de pollution. Sans parler de parkings sauvages.
L’impasse ne peut davantage être faite sur l’impact psychologique. Sur la façade nous faisant face figurera en très grosses lettres «Crématoire animalier de Nyon». Chaque jour, tout un chacun aura depuis la route ce panneau sous les yeux – moi je m’y heurterai chaque fois que j’ouvrirai la fenêtre de la chambre de mon petit garçon. L’impact émotionnel que représente la manutention des cadavres d’animaux, ainsi que la vue sur un «jardin du souvenir», est aussi à prendre en compte. Sans oublier enfin l’impact sur la valeur des bâtiments. Nous estimons que les appartements vont perdre le 20% de leur valeur. Qui voudra louer ou acheter un appartement jouxtant un crématoire? Qui nous dédommagera?
Après la stupéfaction, la colère, les craintes et l’incompréhension totale de l’acceptation d’un tel projet dans une zone d’habitation en pleine expansion, place à l’action. Constatant que la plupart des habitant·es n’étaient pas au courant, nous avons entamé une campagne d’information massive et rapide. Une pétition adressée aux autorités communales1>Le projet questionne le Conseil communal de Nyon. Trois interpellations ont été déposées la semaine dernière, selon La Côte du 27 avril, ndlr. a recueilli au 30 avril plus de 800 signatures; un appel à rédiger des oppositions collectives ou individuelles a été émis; des contacts médiatiques mis en place. D’autres actions sont encore prévues.
Nous ne nous tairons pas, car ce projet préjudiciable à plus d’un titre nous paraît insensé et n’a pas sa place ici. Nous ne sommes pas contre un crématorium animalier, bien au contraire, mais pas à si grande proximité d’une zone d’habitation. N’il y aurait-t-il pas d’emplacement plus approprié? Est-ce que le business doit toujours être plus important et passer avant la santé physique et psychique des habitant·es?
Notes
Jenny Waeber est une habitante du quartier des Tines et du Boiron, Nyon.