Appel bienvenu
Lever temporairement le système des brevets pour mettre fin à la pandémie. Jeudi, des Prix Nobel – Muhammad Yunus (paix), Joseph Stiglitz (économie) ou le Suisse Michel Mayor ( physique) – et des anciens chefs d’Etat – le Français François Hollande, le Britannique John Mayor ou la Libérienne Ellen Johnson Sirleaf – ont interpellé l’OMC (Organisation mondiale du commerce).
La demande étant de suspendre les brevets sur les vaccins du Covid-19 pour assurer une vaccination sur une large échelle. Une manière de faire qui suit à une proposition déposée en octobre 2020 par l’Afrique du Sud et l’Inde et qui plaident pour la mise en œuvre d’un mécanisme prévu par l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle touchant au commerce (ADPIC). Cela avait été fait avec succès pour permettre un accès aux trithérapies des malades du sida dans les pays en voie de développement.
Actuellement, selon les évaluations de l’OMS (Organisation mondiale de la santé), un fossé vaccinal s’est creusé entre le Nord et le Sud. Dans certains pays riches, près d’un quart des habitant·es sont vacciné·es; ce taux tombe à une personne sur 500 dans les contrées pauvres.
Moralement et politiquement choquant. La simple dignité humaine plaide pour une telle levée permettant une diffusion plus rapide et selon d’autres critères que le taux de remplissage du porte-monnaie. Et une absurdité sur le plan sanitaire. Le désert vaccinal dans certaines régions déshéritées du monde va favoriser l’émergence de nouveaux variants qui vont d’autant prolonger, voire relancer, la crise du Covid-19.
La position obstinée des pays les plus nantis – dont la Suisse fait partie – qui bloquent cette ouverture pour garantir les intérêts de leurs pharmas est donc non seulement contraire au respect de la dignité humaine mais elle conduit aussi à une impasse.
Pour l’heure, ce refus est motivé par des excuses vaseuses. Il consiste à se réfugier derrière le mécanisme de redistribution dit Covax, visant à bloquer le nationalisme vaccinal. Or, manifestement, ce dispositif patine. Et, surtout, cela montre une nouvelle fois que les sacro-saints mécanismes de marché ne fonctionnent pas. Face à des défis d’une telle ampleur, les Etats doivent affirmer leurs prérogatives. Utiliser des notions de «plan» ne doit pas être compris comme un gros mot prétendument teinté de marxisme mais bien comme une manière de prendre ses responsabilités et de mettre les priorités où elles le sont.
Le dogmatisme est du côté des nationalismes vaccinaux teintés de populismes et des velléités de faire passer les intérêts sonnants et trébuchants de quelques multinationales au détriment du bien commun.