Édito

De sang et de règles

Brouillon auto 312
KEYSTONE/Alexandra Wey
Précarité menstruelle

Personnes sans domiciles fixes, étudiant·es aux petits revenus précaires, jeunes élèves, combien de personnes menstruées – un terme choisi à dessein parce qu’il ne recoupe pas seulement la catégorie femme – éprouvent chaque mois des difficultés pour se procurer des protections hygiéniques? De sang et de règles, on ne parle aujourd’hui encore qu’avec retenue. Dans ces conditions, difficile de dresser un état des lieux et les statistiques manquent pour éclairer la situation en Suisse. Mais la comparaison internationale laisse entrevoir l’étendue du problème. En France, une étude réalisée au début du mois de février mettait en évidence qu’une étudiante sur trois aurait besoin d’aide pour se fournir en tampons, serviettes hygiéniques ou autre protections. Un appel entendu par l’Hexagone, qui a lancé des projets pilotes de mise à disposition gratuite dans les lieux de formation.

En Suisse, si des initiatives locales émergent, on est encore loin de reconnaître le phénomène de la précarité menstruelle. Au point que les protections intimes n’entrent toujours pas dans la catégorie des produits de première nécessité, et à ce titre ne bénéficient pas du taux de TVA réduit à 2,5%… au contraire des litières pour animaux! Les choses pourraient changer sur ce point: une motion parlementaire, acceptée par le Conseil national, est actuellement aux mains du Conseil des Etats.

Pour la gratuité, qui fait également l’objet d’une motion à Berne, le chemin est encore long. Les exemples de l’Ecosse et de la Nouvelle-Zélande, pays précurseurs en la matière, peinent à convaincre. Ici, on estime toujours qu’il s’agit de responsabilité individuelle et on demande encore ingénument «qu’offrira-t-on en échange aux hommes?»

Rien. Car il n’y a rien à offrir en échange. Que ceux et celles qui s’égosillent à l’idée d’entériner l’accès gratuit à des protections hygiéniques reconsidèrent le poids économique imposé aux personnes menstruées: la visite gynécologique annuelle, le coût de la contraception – encore trop rarement partagé dans les couples –, les anti-douleurs pour lutter contre les maux de la ménorrhée, les sous-vêtement tâchés par ce sang tabou…

Tabou dont on ne veut plus, crie la nouvelle génération. Parlons de sang, parlons de règles, aux filles et aux garçons dès le plus jeune âge. Car saigner, ce mal commun qui touche la moitié de l’humanité, n’est pas une honte. N’en faisons pas non plus un fardeau trop lourd à porter. Généraliser l’accès gratuit aux serviettes et tampons, ce n’est vraiment pas très cher payé.

Opinions Édito Maude Jaquet Précarité menstruelle

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