On nous écrit

Vache à lait?

Bernard Pinget s’interroge au sujet d’un récent envoi de la Poste.
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Nous sommes nombreux·et nombreuses à avoir reçu cette lettre du service de publicité de la Poste. Si notre vœu le plus cher est de tester de nouveaux produits, dit-elle, rien de plus simple: nous n’avons qu’à nous laisser surprendre.

Et d’enchaîner en expliquant que chaque mois un échantillon «fort attrayant» sera distribué dans nos boîtes aux lettres. Trois exemples accompagnent le message: le riz Uncle Ben’s (marque hégémonique appartenant à la multinationale Mars), les gaufrettes Kägi (propriété de Burger & Söhne, plus gros distributeur de tabac en Suisse) et la bière Heineken (deuxième groupe brassicole au monde). On peut se demander au nom de quoi nous aurions besoin de la Poste suisse pour connaître ces marques, probablement les plus installées qui soient sur le marché.

La réponse vient au paragraphe suivant. En effet, les échantillons ne seront distribués que dans les boîtes dépourvues de la mention «Non merci, pas de publicité». Comment faire, alors, pour profiter de nos échantillons attrayants, faire connaissance avec le riz Uncle Ben’s et la bière Heineken, et ainsi nous laisser délicieusement surprendre? Là encore, rien de plus simple, on a le choix: soit on enlève l’écriteau, soit on le retourne, soit on le recouvre avec l’autocollant «Publicité OK» joint à la lettre.

Ainsi, la Poste suisse, désormais «entreprise rentable» dont les bénéfices annuels se chiffrent en millions, la Poste qui ferme ses offices un par un, pressure ses employés·es et diminue le nombre de distributions de courrier, la Poste nous méprise au point de mettre en œuvre les leurres les plus primitifs pour nous persuader d’ingurgiter des tonnes de papier supplémentaires.

Hier encore usagers·ères d’un service public qui nous appartenait et dont nous pouvions être fiers, nous voici devenus des clients·es. Et qu’est-ce qu’un·e client·e en langage de marketing? Juste une vache à lait obtuse qu’on achète avec un sachet de riz et un demi-verre de bière industrielle.

Bernard Pinget, Veyrier

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