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La culture est un bien essentiel

Thierry Apothéloz dresse un constat des impacts socio-économiques de la crise sanitaire dans le secteur culturel. Pour le ministre cantonal de la Culture, il s’agit à présent de «bâtir un modèle résilient» et mieux protéger le statut des artistes.
Genève

A l’heure où on débat et discute de la meilleure manière de soutenir notre économie, on tend à oublier que la culture crée, elle aussi, de la valeur et de l’emploi. L’économie culturelle et créative représente plus de 20’000 postes à Genève, soit un peu plus de 6% du total cantonal. Et il faut rappeler que, à l’instar d’autres domaines, la culture compte un nombre important de travailleuses et de travailleurs précaires.

Dans ces branches, le salaire est systématiquement inférieur au salaire médian cantonal. Les actrices et acteurs de la culture sacrifient bien souvent leur confort financier pour créer notre champ culturel collectif et vivre de leur passion. Si Genève est connue à travers le monde dans des domaines aussi divers que la danse, le théâtre ou les arts lyriques, c’est à elles et eux que nous le devons. L’offre culturelle genevoise constitue sans aucun doute l’un de nos atouts dans ce monde compétitif, où le positionnement de chaque ville se mesure à plusieurs critères dont celui de l’avant-garde culturelle.

Afin de soutenir ces filières dévastées par la crise, près de 20 millions de francs ont permis d’amoindrir les effets des mesures sanitaires durant l’année 2020 et le canton dispose pour 2021 de 22 millions de francs supplémentaires. Depuis le début de la pandémie, nous n’avons eu de cesse de trouver des solutions pour celles et ceux qui ont été oublié·e·s par des mesures fédérales perfectibles, malgré un contexte cantonal financier tendu. Je remettrai l’ouvrage sur le métier tant et aussi longtemps que cela sera nécessaire. De même que nous ne pouvons pas vivre sans culture, la culture existe par notre présence et notre soutien.

De cette crise et de ces constats, se pose enfin une question cruciale. Que mettrons-nous en œuvre après? A l’image des artistes qui ont fait preuve d’une résilience et d’un volontarisme inouï, nous nous devons d’imaginer à nouveau notre rapport à la culture, de nous transformer. Les fameux projets de transformation justement, soutenus par des aides de 300’000 francs maximum dispensées à raison d’un franc du canton pour chaque franc versé par la Confédération, doivent donner un nouvel élan, non seulement aux entreprises culturelles, mais aussi au public. En résumé, bâtir un modèle résilient. Les projets les plus avancés commencent à éclore.

Au-delà de la crise, nous nous devons de solutionner l’épineuse question du statut des artistes, pour davantage de protection. De repenser les notions de création, de diffusion et de recherche pour plus de cohérence. De construire des mécanismes de rémunération plus justes, pour plus de dignité, et de soutenir équitablement les différents domaines, pour plus de cohésion. De mieux valoriser enfin le rôle des femmes dans le domaine de la culture, pour plus d’égalité.

Ces questions trouveront réponse dans les priorités culturelles cantonales que nous coconstruirons avec les milieux culturels en 2021. A l’image de la création, c’est le bon moment de trouver des solutions innovantes, inattendues, rassurantes, afin que notre canton puisse s’enrichir des enseignements de cette crise. La population genevoise le sait bien, elle qui a accepté l’IN167 à plus de 83%: la culture est un bien essentiel.

Notre invité est conseiller d’Etat, en charge du Département de la cohésion sociale.

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