Mesures stigmatisantes
Le 29 novembre 2009, nous avons été nombreux-euses à apprendre avec effarement que 57% des votant-e-s avaient approuvé l’initiative lancée par le Comité d’Egerkingen (composé de personnalités de l’UDC et de la droite dure) pour interdire la construction de minarets en Suisse. A l’époque déjà, l’affiche de campagne des initiants annonçait la couleur: on y voyait une femme portant une burqa, à côté d’un drapeau suisse transpercé par des minarets…
Aujourd’hui, le même Comité d’Egerkingen tente de rééditer son «coup» de 2009 avec son initiative intitulée «oui à l’interdiction de se dissimuler le visage» qui, on s’en doute, ne vise pas le port du masque chirurgical… mais celui de la burqa ou voile intégral.
Une fois de plus, la droite populiste utilise la même recette qui lui a si bien réussi avec l’initiative antiminarets: stigmatiser une religion (l’slam) et la population musulmane, au travers de l’image de la femme voilée. Les femmes voilées, et par extension toutes les femmes musulmanes, sont ainsi montrées du doigt, et réduites à des figures de victimes opprimées, soumises et incapables de décider par elles-mêmes de leur vie. Par la même occasion, les femmes occidentales (non voilées) sont présentées comme libres et émancipées. Ce discours occulte ainsi les multiples formes d’oppression (violences, harcèlement, inégalités salariales, etc) dénoncées par les mouvements féministes depuis des décennies.
Il est pour le moins risible de voir l’UDC se faire le champion des «droits des femmes», alors que ce parti s’est toujours opposé aux revendications féministes en Suisse! Plus troublante est l’adhésion de certaines femmes de gauche à cette initiative, au nom de la liberté des femmes. Or, la question posée par la votation du 7 mars n’est pas de savoir si nous sommes pour ou contre la burqa. La question est de savoir si la libération des femmes peut être obtenue par des mesures qui les stigmatisent et les excluent de l’espace public. Il est pour le moins paradoxal de prétendre aider les «victimes» en créant une «infraction» spécifique aux femmes.
Anne-Marie Barone,
Genève