Édito

Climat: la Suisse à la croisée des chemins

CLIMAT: LA SUISSE À LA CROISÉE DES CHEMINS
KEYSTONE/Peter Klaunzer
Climat

Le Conseil fédéral a adopté jeudi sa stratégie climatique 2050. Un plan directeur qui vise à la neutralité carbone vers le milieu du siècle. Ce qui est à la fois peu et beaucoup.

Beaucoup, dans la mesure où cet objectif reste ambitieux, même si la Grève du climat revendique, au vu de l’ampleur du risque environnemental, d’atteindre cet objectif à l’horizon 2030 déjà, et les Verts vers 2040.

On relèvera également qu’un chiffrage des moyens à mettre en œuvre est évoqué: quelque 1400 milliards de francs devront être investis durant ce laps de temps dans le secteur énergétique (une petite cinquantaine de milliards par an). Bonne nouvelle, le surcoût lié à l’objectif zéro carbone n’est «que» de 108 milliards (8% des sommes qu’il faudra de toute façon débourser). Et à mettre en balance aussi avec les 80 milliards par an représentés par la facture pétrolière annuelle. Bref, l’objectif est à portée.

Mais des réserves peuvent aussi être formulées. De deux ordres: le plan climat se repose aussi sur la loi sur le CO2 qui pourrait être mise en votation populaire au mois de juin. Or ce texte laisse la porte ouverte aux certificats d’émission au moyen de douteux mécanismes de marché. Jeudi, le Conseil fédéral semblait partiellement admettre les limites de cette approche consistant à exporter de la sorte la pollution. Mais une ambiguïté certaine reste de mise.

Deuxième obstacle: ce plan directeur s’appuie sur certains mirages technologiques, la captation de CO2 et son enfouissement dans des couches géologiques profondes. Une fuite en avant qui consiste à faire confiance de manière un peu aveugle au progrès technologique. Comme cela a été le cas dans le domaine de l’industrie nucléaire où, depuis cinquante ans, on nous promet des solutions au problème des déchets radioactifs. Sans que le dossier avance sérieusement.

Et une manière d’éluder de la sorte les questions qui fâchent. Car ce sont bien nos rapports de production qui doivent changer. La crise du Covid-19 a doublement mis en évidence ce phénomène. En positif, en montrant que lorsqu’il y a le feu au lac, quand on veut, on peut; en négatif, en laissant passer l’occasion de remettre en cause une économie de marché prédatrice, montrant ses limites – la pénurie de masques et, aujourd’hui, de vaccins en est l’illustration – et contribuant à creuser les inégalités.

Cette question de la justice sociale doit impérativement être remise au centre du débat climatique. A défaut, le rejet populaire sera inéluctable. Avec les conséquences catastrophiques que l’on imagine pour notre devenir.

Opinions Édito Philippe Bach Climat

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