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Un seul objectif: «zéro sans-abri»

Sous la plume de son président, le collectif d’associations pour l’urgence sociale (CausE), à Genève, réagit à deux récents articles relatifs aux coûts de fonctionnement de la structure.
Sans-abri 

Il est sain qu’une presse indépendante s’empare de sujets de fond comme celui de l’utilisation des deniers publics. Il est tout aussi important qu’un débat transparent et objectif puisse avoir lieu sur ces questions. Le Collectif d’associations pour l’urgence socialE (CausE) remercie donc Le Courrier de lui permettre de réagir à deux articles, parus dans ses colonnes les 26 novembre et 1er décembre derniers, énonçant que les coûts de fonctionnement du Dispositif de nuit (DDN), financé en grande partie par la Ville, auraient été trop élevés et mal gérés. Le DDN est un projet inédit d’aide aux sans-abris, mis en place et piloté par le CausE de l’été 2019 au printemps 2020.

Le CausE regrette vivement le contenu orienté des articles, publiés en dépit des explications détaillées présentées à son auteur et des informations préalablement portées à la connaissance de la rédaction du journal.

Les faits d’abord, aussi succinctement que possible. La plupart des chiffres avancés sont faux. 1) Un budget dépensé à la hâte? Faux. Le projet a effectivement duré neuf mois, de manière concertée avec le Conseil administratif et le Canton, qui ont reconnu l’importance de maintenir tous les sleep-in ouverts durant l’hiver 2020. 2) Des salaires de direction à plus de CHF 11’500 pour un 100 %? Faux. Le salaire brut d’un co-directeur, employé à 90 %, était en réalité de CHF 7’976. 3) L’absence de suivi social ? Faux. L’accompagnement socio-sanitaire des personnes accueillies par des professionnel·le·s formé·e·s était l’un des éléments forts de notre dispositif. 4) Un coût de nuitée trop élevé ? Faux. Le chiffre avancé de CHF 83.55 se base sur la division du budget total par le nombre de nuitées effectives. Or, les coûts de personnel étant incompressibles dès lors qu’un lieu d’accueil est ouvert, c’est bien le nombre de places disponibles qu’il faut prendre en compte. On arrive alors à un coût moyen de CHF 66.81 la nuitée pour un pourcentage d’occupation de 88 %, ce qui démontre à nos yeux la pertinence du dispositif mis en place.

La liste d’erreurs et de sous-entendus suspicieux est encore longue, alors que le CausE a tenu le détail de ses activités et de ses comptes à disposition des autorités pendant et après le projet, y compris encore dernièrement auprès d’une commission municipale.

Mais là n’est pas l’essentiel. L’essentiel, c’est le doute qui, de manière violente, ternit notre éthique de travail : lorsqu’il est demandé à la Magistrate, chargée du dossier à l’époque des faits, comment «ces coûts» sont justifiés (alors qu’elle les a validés officiellement à plusieurs reprises) ; lorsque, déplaçant l’analyse sur le terrain de l’émotionnel, une conseillère municipale est présentée comme «agacée» par le CausE ; et enfin, lorsqu’il est mentionné que le CausE perçoit des subventions publiques «les yeux fermés», faisant fi des conventions signées et de l’important travail de respect des normes légales effectué.

Les récentes décisions de financements publics (Canton, Ville) et privés, pour l’hébergement de plus de 150 personnes en situation de précarité au plus fort de l’hiver, témoignent du travail de plaidoyer réalisé auprès des différentes sphères politiques et de la confiance qui est accordée au CausE. Notre exigence sera d’y répondre, en toute transparence et humanité.

Désormais officiellement créé en association, le CausE va poursuivre son travail avec, à sa tête comme sur le terrain H24, des femmes et des hommes qui luttent et s’engagent pour l’égalité des droits pour tou·te·s et qui sont fier·ère·s de se mettre à disposition des plus démuni·e·s. Par les temps qui courent, il serait bien que l’objectif «zéro sans-abri» soit l’affaire de tou·te·s.

Réponse du Courrier

Le Courrier maintient le bien-fondé de son enquête sur les coûts de fonctionnement du Collectif d’associations pour l’urgence sociale (CausE). Le sujet est d’intérêt public et les interrogations dont le journal se fait le relais proviennent d’élus, d’acteurs du milieu, ainsi que de fonctionnaires traitant avec le collectif. L’enquête est basée sur des documents solides, dont certains proviennent du CausE lui-même, et sur les témoignages et informations de sources fiables.

Sur la forme Le Courrier regrette que le CausE n’ait pas fait davantage preuve de transparence lorsque des questions précises lui ont été envoyées par écrit.

Sur le fond, l’essentiel des informations publiées sont étayées. 1) En octobre 2019, le CausE a bien bénéficié d’une rallonge de 400 000 francs. Alain Bolle, directeur du Centre social protestant (CSP) et membre du CausE, reconnaissait lui-même n’avoir «pas calculé finement les coûts effectifs». En 2020, pour éviter une fermeture prématurée, l’intégralité de la subvention annuelle a été versée durant les quatre premiers mois. 2) La somme de 20 736 francs mensuels pour le salaire de deux directeurs 180% est bien dépensée. Le CausE n’a pas donné le détail de comment cette somme est dépensée lorsqu’il a été interrogé par écrit. Le CausE a indiqué dans un premier temps au Courrier que le salaire des directeurs s’élevait à «9500 francs par mois, indemnité vacances et jours fériés, travail de nuit et astreinte compris». 3) «L’absence de véritable suivi socio-sanitaire pour des sleep-in» était une critique du précédent conseil administratif. Il n’y a pas d’inscription, pas de douches, par exemple. 4) Le coût de la nuitée à 83,55 francs provient d’un document interne au CausE. Il s’agit des charges d’exploitation prévues entre janvier et avril 2020 que le collectif a présenté à la Ville de Genève pour obtenir le versement de l’intégralité de la subvention durant les quatre premiers mois de l’année. Le Courrier

Fabrice Roman est le président de CausE, Genève.

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