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Liban, un siècle de tumulte

Depuis son indépendance, le pays du Cèdre ne cesse de subir les épreuves les plus dures. Guerre civile (1975-1990), occupations et ingérences étrangères, divisions communautaires, crise bancaire et explosion du port de Beyrouth en août 2020. C’est sur cette histoire tourmentée mais faite d’espérances que se penche le dernier numéro de Manière de voir.
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Plus de deux cents morts, sept mille blessés et une bonne partie de la capitale détruite: le 4 août 2020, une double explosion sur le port de Beyrouth porte la colère des Libanais à son comble et alourdit encore le fardeau économique du Liban, empêtré dans une grave crise aussi politique qu’économique et financière. Signe de l’immobilisme ambiant, M. Saad Hariri, revenu aux affaires un an après avoir été poussé à la démission par un important mouvement de protestation pacifique, cherchait encore à former un gouvernement à la mi-novembre. Alors que 55 % de sa population sombre dans la pauvreté, la commémoration d’un siècle d’existence du pays – ce fut en 1920 que la puissance tutélaire française fixa ses frontières actuelles – prend une dimension tragique qui fait écho aux tourments du passé.

Ce numéro de Manière de voir propose un retour historique orchestré autour des trois grandes périodes qui caractérisent l’histoire récente du Liban. La guerre civile (1975-1990) plonge le pays dans le chaos et la fragmentation communautaire. D’essence politique, trop souvent résumé à un affrontement entre chrétiens et musulmans, ce conflit est en réalité marqué par l’imbrication de plusieurs confrontations armées entre divers acteurs locaux (droite chrétienne, partis «progressistes», troupes palestiniennes), par de spectaculaires retournements d’alliances ainsi que par d’incessantes ingérences et interventions militaires étrangères. La Syrie, dès 1976, puis Israël, en 1978, participent à cette guerre en tant que forces d’occupation. Leur présence se prolonge même après le conflit (2000 pour les troupes israéliennes et 2005 pour l’armée syrienne).

La période de la reconstruction (1990-2005) ouvre celle des politiques néolibérales menées par Rafic Hariri avec l’appui de la banque centrale. Si le pays se remet peu à peu de la fureur des combats, il s’avère incapable de surmonter ses blocages anciens et ses dissensions politiques. Plusieurs scrutins sont autant de rendez-vous manqués pour la remise en question de l’ordre confessionnel hérité de la période mandataire. Alors que le sud du pays demeure occupé par les troupes israéliennes et leurs supplétifs, la société tente de surmonter ses divisions en s’organisant notamment contre la présence de l’armée syrienne.

Après le retrait de cette dernière, le Liban entre dans une nouvelle phase qui, si elle est encore marquée par la guerre (attaque israélienne de 2006 contre le Hezbollah), voit l’émergence timide d’une exigence de changement au sein de la société. Le 17 octobre 2019, la mise en place d’une taxe sur les communications électroniques pousse les Libanais dans les rues de Beyrouth et d’autres villes. Mais, après plusieurs semaines d’euphorie et de contestation, le pays retombe peu à peu dans le marasme politique et économique. Dans un contexte de crise interne et de guerre froide régionale entre l’Iran et les monarchies du Golfe, son avenir en tant que nation unie est de nouveau en question.

* «Liban. 1920-2020, un siècle de tumulte», Manière de voir, n° 174, décembre 2020 – janvier 2021, bimestriel édité par le Monde diplomatique,
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