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Prisonniers d’un dilemme

Prisonniers d’un dilemme
Avec 68% des voix mais une participation divisée par plus de deux, le camp du président Nicolas Maduro récupère une Assemblée nationale qui lui avait échappé en décembre 2015. Keystone
Venezuela

Une élection mais que des perdants: le bilan des législatives de dimanche au Venezuela symbolise bien la guerre à somme nulle que se livrent depuis cinq ans partisans et opposants à Nicolas Maduro. Avec 68% des voix mais une participation divisée par plus de deux, le camp du président récupère une Assemblée nationale qui lui avait échappé en décembre 2015 – sans jamais pouvoir fonctionner normalement. Nicolas Maduro doit néanmoins se contenter de l’un des scores les plus faibles du mouvement impulsé par Hugo Chávez dès 1998. Le Grand pôle patriotique Simon Bolivar (GPPSB) obtient 3,5 millions de voix contre 5,8 lors des régionales de fin 2017, dernier scrutin remporté en présence d’une opposition unie, ou 6,2 lors de la présidentielle partiellement boycottée de mai 2018. Si l’absence d’enjeu a sans doute pesé dans la faible mobilisation du peuple chaviste, on mesure aussi la lassitude de la population face à un gouvernement incapable de remédier aux crises économique et politique les ayant (re)plongés dans la pauvreté.

Affaibli à l’intérieur, M. Maduro ne sort pas davantage renforcé à l’extérieur. Caracas voit la perspective d’un allègement des sanctions européennes s’éloigner, puisque malgré la présence d’observateurs étrangers et des résultats officiels somme toute crédibles, Bruxelles a refusé lundi de reconnaitre le scrutin au motif d’une violation du «pluralisme politique». Et ce, bien que ce soient les adversaires du président – ou plutôt une bonne part d’entre eux – qui aient choisi de se tenir à l’écart de législatives qu’ils avaient pourtant remportées il y a cinq ans.

De son côté, l’opposition ne sort guère mieux lotie, divisée entre ceux qui ont joué le jeu des urnes et ceux qui ont suivi l’appel au boycott de Juan Guaido. Si ce mot d’ordre a sûrement eu son impact, son promoteur n’en tirera aucun bénéfice institutionnel, alors qu’une addition des voix opposantes – passives et actives – aurait sans doute composé une majorité… Plusieurs leaders de droite l’avaient bien compris – tel Henrique Capriles – qui auraient voulu faire de ce scrutin une vraie opportunité politique.

S’il ne fait pas de sa «consultation populaire» informelle qui va débuter ces prochains jours un succès incontestable, Juan Guaido pourrait ne pas survivre à la stratégie ultra décidée par son mentor étasunien. Pour reprendre le Venezuela aux chavistes mais aussi aux Chinois et aux Russes, Washington misait sur un effondrement du pouvoir bolivarien. Mais malgré cinq ans de privations et de sanctions internationales toujours plus impopulaires, le gouvernement demeure solidement en place et peut encore compter sur un certain soutien populaire.

En refusant l’un comme l’autre de renoncer à la victoire inconditionnelle, les antagonistes vénézuéliens se sont emprisonnés dans un fameux dilemme. Dont le premier perdant est le peuple du Venezuela.

International Benito Perez Venezuela

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