Édito

Les pucerons ont bon dos

Les pucerons ont bon dos
Les néonicotinoïdes sont hautement toxiques pour les abeilles et les bourdons. KEYSTONE
Pesticides

Alors que les scientifiques multiplient les alertes concernant le déclin des sols et de la biodiversité, l’Europe opère un vertigineux rétropédalage en matière de néonicotinoïdes, ces pesticides qui ciblent les systèmes nerveux des insectes. Depuis cet été, les producteurs de betteraves, contaminées par les pucerons, font les frais d’une maladie qui dessèche la plante. Sous la pression de l’industrie sucrière, plusieurs pays ont à nouveau autorisé le Gaucho pour cette culture délicate. Or cet insecticide avait été interdit en 2019 en raison de sa grande toxicité pour les abeilles.

L’Office fédéral de l’agriculture a de son côté opté pour un entre-deux qui fâche les betteraviers et les écologistes. Il n’autorise pas le retour du Gaucho, mais propose l’utilisation de deux autres pesticides, dont un néonicotinoïde, pour traiter les feuilles en cas d’attaques de pucerons. La Fédération suisse des betteraviers a annoncé des pertes de rendements allant jusqu’à cinquante pour cent. Notre enquête montre pourtant que ces affirmations ne concernent pas la production nationale mais des hypothèses concernant des parcelles les plus mal en point. Pourtant, les décisions politiques sont déjà prises.

Les lobbies agricoles et industriels, en brandissant le spectre de la disparition du sucre indigène, ont réussi à relancer un débat sur les néonicotinoïdes, alors que règne un consensus scientifique sur leur haute toxicité pour les abeilles et les bourdons.

Quatre-vingts pour cent des espèces végétales dépendent de la pollinisation pour se reproduire. En réintroduisant des pesticides, les gouvernements européens donnent ainsi leur feu vert à l’extermination d’insectes garants de toute notre chaîne alimentaire. Tout ça pour maintenir un secteur peu compétitif déjà sous perfusion. L’Europe maintient ainsi une industrie à l’origine de multiples problèmes de santé, comme l’obésité et le diabète, en décimant les essaims de butineuses.

Opinions Édito Julie Jeannet Pesticides

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vendredi 27 novembre 2020 Julie Jeannet
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