«Bienvenue dans le monde des parieurs!» Difficile de faire plus explicite que la dernière publicité de la Loterie Romande (LoRo), mettant en scène de très jeunes adultes, skateurs, footballeurs et basketteurs de rue, attifés comme des adolescents. Que les acteurs soient majeurs ou que le jeu soit illégal pour les moins de 18 ans ne change rien à l’affaire: l’objectif de la LoRo est bien d’amener de nouvelles personnes, jeunes de préférence, aux jeux d’argents.

Circonstance aggravante, la campagne joue sur l’attrait des jeunes pour le sport de compétition, pour mêler émulation, quizz sportif et appât du gain. «Qui va toucher les montants?», s’amuse le publicitaire. Derrière le jeu de mot footballistique, le slogan laisse transparaître des préoccupations moins ludiques et un enjeu beaucoup moins «fun» que le spot de l’agence Cavalcade.

Fléau social touchant quelque 80’000 personnes en Suisse, l’addiction aux loteries et autres paris sévit particulièrement fort chez les jeunes. Selon l’Enquête suisse sur la santé 2017, près de la moitié des joueurs pathologiques sont âgés de moins de 29 ans et la plupart ont commencé à miser avant leurs 21 ans! Surendettement, perte d’emploi ou de formation, toxicomanies croisées (alcool, drogue, médicaments), dépression, tendances suicidaires accompagnent régulièrement le jeu excessif au sein de cette population par essence instable.

Dans ce contexte, où le développement des paris en ligne rend cette pratique toujours plus facile, la campagne ludique et branchée de la LoRo est inadmissible. Encore moins de la part d’une entreprise de mandat public. Tout comme il est incompréhensible que cette campagne, débutée en juin, n’ait suscitée aucune réaction des autorités.

Alors que l’Espagne, malgré le poids économique du football, vient de limiter drastiquement la publicité pour les paris, la Suisse préfère jouer avec ses jeunes et avec le feu. Il y a peu de chance qu’elle en sorte gagnante.