La NASA se servirait-elle de canards de bain comme d’une arme géostratégique? C’est l’idée que propose le géographe et dramaturge Frédéric Ferrer au terme d’une cascade d’hypothèses plus loufoques les unes que les autres, mais parfaitement fondées sur le plan scientifique. Imaginée dans le cadre d’un programme de médiation scientifique associant le Théâtre de Vidy et l’université de Lausanne, Cartographie 1: A la recherche des canards perdus, première «cartographie» d’un cycle de six conférences performées – «L’Atlas de l’anthropocène» –, présente les résultats d’une enquête de terrain et interroge avec un humour absurde parfaitement mesuré les enjeux actuels relatifs aux bouleversements climatiques dans l’Arctique.

L’objet de l’investigation? Partant du présupposé selon lequel il est possible d’évaluer l’ampleur du réchauffement climatique en mesurant la vitesse de glissement de la glace, la NASA entame une expérience pour le moins originale en 2008. Il s’agit de lancer 90 canards de bain dans un glacier du Groenland, avec l’espoir de les voir réapparaître à la sortie, dans la baie de Disko. Les pauvres jouets n’ayant jamais refait surface, le géographe a cherché pendant plusieurs années à élucider le mystère: «Où sont passés les palmipèdes?» Cartes, images animées et schémas infantiles esquissés à la craie accompagnent le public dans la découverte du problème et de la démarche engagée pour le résoudre. Le performeur adopte une gestuelle expressive et caricature avec beaucoup d’esprit son propre rôle de scientifique, dans une parole chaque soir réimprovisée. La prestation révèle avec éclat l’interdisciplinarité constitutive de la forme théâtrale autant que l’importance de la théâtralité dans la démarche de vulgarisation scientifique.