Scène

C’est le silence qui répond… mais à quoi?

En solidarité avec la scène romande alors que les théâtres sont fermés, Le Courrier publie la critique de C’est le silence qui répond, créé à l’Arsenic, à Lausanne, réalisée par l’Atelier critique de l’UNIL.
C’est le silence qui répond… mais à quoi?
"C'est le silence qui répond" était à l'affiche de l'Arsenic à Lausanne jusqu'à la fermeture des théâtres. PHILIPPE GLADIEU
Théâtre

Le metteur en scène français Yves-Noël Genod propose à l’Arsenic une création qui se veut en accord avec l’actualité: elle thématise l’incertitude. Les «invités» pénètrent dans une vaste pièce noire, calfeutrée. Pas de sièges, ni de scène: ce sera un «spectacle fantôme». La démarche refuse toute intellectualisation et toute lecture sémiotique. Genod crée un cosmos dans lequel, privés de tout repère, les spectateurs évoluent hors du temps.

L’espace est uniquement peuplé par des silhouettes vaguement perceptibles, dont on ne sait si elles sont spectatrices ou comédiennes. Entre de longs moments de silence, d’attente, de gêne presque palpable ont lieu des performances vocales ou physiques. Les prestations, ou anti-prestations – elles ne visent pas l’adhésion du public – se multiplient: des personnages costumés, dispersés dans la salle, s’expriment en polonais, en anglais, en espagnol, sur des tons et avec des volumes différents. Les interventions jouent avec les perceptions et les émotions des spectateurs. Le sentiment d’inquiétude lié au noir quasi complet s’accroît lorsqu’un ballon rebondit à quelques centimètres de notre tête, ou lorsqu’un drapeau nous frôle. Un plongeur en maillot de bain trébuche sur nos jambes et, soudain, c’est la moitié d’un seau d’eau qui coule le long de notre nuque. L’expérience sensorielle est complète, mais elle n’est pas agréable. L’ennui gagne. A-t-on vraiment envie de ressortir mouillée d’un spectacle, même si on comprend l’intention de rendre la séance cauchemardesque? Comment qualifier même cette expérience? C’est sans doute l’intérêt de cette démarche que de provoquer ces questions. Celle-ci ne perd-elle pas néanmoins, au profit de l’originalité de la proposition, le cœur même de ce qui fait le théâtre: le désir des spectateurs?

Partenariat

En partenariat avec le nouveau Master ès Lettres avec spécialisation et renforcement en études théâtrales de l’UNIL (qui complète le Programme de spécialisation romand en études théâtrales), nous publions les critiques d’étudiant-e-s réalisées jusqu’à la fermeture des théâtres cette semaine pour raisons sanitaires, en signe de solidarité avec la scène romande. Ces textes sont disponibles dans leur version intégrale sur le site de l’Atelier critique dirigé par Lise Michel: www.ateliercritique.ch

Arsenic, Lausanne

Culture Scène Cloé Bensaï Théâtre Formation

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