Genève

La votation complémentaire s’annonce très ouverte

En plus d’affronter Pierre Maudet, la droite devra se battre contre la gauche, qui ambitionne de renverser la majorité au Conseil d’Etat. Droite et gauche pourraient partir désunis.
La votation complémentaire s’annonce très ouverte
Après l’annonce surprise de la démission de Pierre Maudet et de sa candidature à sa réélection, les partis politiques ébauchent leur stratégie en vue de l’élection complémentaire pour le Conseil d’Etat, qui aura probablement lieu le 7 mars 2021. KEYSTONE/Martial Trezzini
Conseil d’Etat genevois

Après l’annonce surprise de la démission de Pierre Maudet et de sa candidature à sa réélection, les partis politiques ébauchent leur stratégie en vue de l’élection complémentaire pour le Conseil d’Etat, qui aura probablement lieu le 7 mars. Alors que l’indépendant Pierre Maudet fait le pari de se maintenir au gouvernement, la droite entend conserver sa majorité face à une gauche qui a annoncé son intention de la renverser. Les discussions au sein des partis et entre ces derniers commencent à peine ou n’ont même pas encore eu lieu, mais cette élection se profile déjà comme très ouverte.

L’ancien parti de Pierre Maudet, le Parti libéral-radical, veut lancer une candidature pour lui faire front, en rassemblant derrière ses couleurs toute la droite – PDC, Vert’libéraux, UDC, MCG. C’est du moins le souhait du président, Bertrand Reich. «Il faudra un tas de discussions», se dit-il toutefois conscient. Plusieurs noms circulent: les députés Cyril Aellen, Murat Alder, Francine De Planta, Natacha Buffet-Desfayes ou encore Alexandre de Senarclens. Ce dernier a écarté l’idée, Cyril Aellen ne fait aucun commentaire.

Face à la tempête sanitaire et économique suscitée par le Covid et la cacophonie gouvernementale due à l’affaire Maudet, Bertrand Reich dresse le CV impératif: «Quelqu’un capable d’anticiper les difficultés et de prendre des décisions, qui améliore le fonctionnement du gouvernement, soit ouvert au dialogue et suscite la confiance.» «On cherche des compétences, la question du genre n’est donc pas un enjeu», estime-t-il, bien que le gouvernement ne compte que deux femmes.

Pas de velléités concurrentielles

Alors que la base du PLR a permis à Pierre Maudet de s’accrocher deux ans de plus au pouvoir, cette formation devrait-elle passer un tour par humilité? «Nous avons vocation à présenter une candidature malgré notre erreur, partagée par plus de 50% des électeurs, répond Bertrand Reich. Au vu de notre poids électoral, il serait incompréhensible de ne pas participer.»

La présidente du PDC, Delphine Bachmann, ne le contredit pas: «Le siège revient historiquement au PLR. Nous en revendiquerons deux en 2023. Cette complémentaire ne doit pas être l’occasion de velléités concurrentielles ou partisanes. L’enjeu est de faire barrage à Pierre Maudet et de faire élire une personne de droite collégiale pour redresser l’économie, ce dont la gauche est incapable.»

Toutefois, une candidature unique à droite n’est pas gagnée. Sur Léman Bleu, la présidente de l’UDC, Céline Amaudruz, a souhaité à titre personnel que son parti se lance dans la course. Le député Christo Ivanov est sceptique: «Face à Pierre Maudet, loin d’être enterré, il faut un poids lourd. Quel UDC serait prêt à aller au casse-pipe, surtout avant les élections générales de 2023? Moi, j’ai une entreprise à sauver. Et Céline Amaudruz n’a pas intérêt à se griller si elle veut succéder un jour à Guy Parmelin au Conseil fédéral.» La conseillère nationale a dit sur Léman Bleu qu’elle ne souhaitait pas être candidate en mars.

Une candidature de gauche unique?

Une dispersion des voix à droite donnerait un avantage décisif à la gauche, pour autant qu’elle-même soit unie, souligne la présidente des Verts et conseillère nationale Delphine Klopfenstein Broggini. Avec les socialistes, son parti a appelé à une candidature de gauche unique. Et celle-ci devrait être incarnée par une Verte, selon la présidente. Les succès électoraux lors des fédérales et des municipales le justifient, tandis que le PS a déjà deux conseillers d’Etat et que le poids électoral d’Ensemble à gauche est moindre, avance la présidente. Au PS, aucune voix n’a contesté cette légitimité verte. Et politiquement, impossible de présenter un homme pour rejoindre Antonio Hodgers au gouvernement.

Sur le fond, «la droite est depuis trop longtemps au pouvoir, alors que Genève multiplie les votes progressistes. Avec la crise et la précarité croissante, la sensibilité aux solutions de l’Alternative est toujours plus grande, il faut saisir chaque opportunité pour renverser la tendance et permettre la transition écologique, qui reste une priorité.» Alors que des voix demandent que, face à la crise, la «politique politicienne» soit épargnée aux Genevois, le Covid ne doit pas empêcher un affrontement gauche-droite, conteste Mme Klopfenstein Broggini.

Reste que le groupe parlementaire d’Ensemble à Gauche ne donnera pas un blanc-seing à une candidature verte: «L’urgence est de rompre avec la politique antisociale du gouvernement, or nous sommes très critiques par rapport au bilan de la présence rose-vert à l’exécutif», déclare le député Jean Burgermeister (EàG-Solidarités), en référence aux mesures devant toucher la fonction publique ou encore le soutien à la RFFA. «S’il y a une candidature naturelle à gauche, elle vient plutôt de chez nous.» Les regards se tournent vers la députée Jocelyne Haller, mais souhaite-t-elle se lancer? Elle ne fait pas de commentaire avant que l’organe exécutif de Solidarités ne se réunisse.

Ce parti et les autres composantes d’Ensemble à Gauche devront évaluer la pertinence d’une participation gouvernementale. Aller au Conseil d’Etat, mais pour y faire quoi, surtout face à un Grand Conseil à majorité de droite? Pour y multiplier les ruptures de collégialité?

Autre écueil pour une candidature rassembleuse: la division de la gauche radicale et en particulier de Solidarités. «Ils sont dans un état catastrophique», souligne le co-président du PS, Romain de Sainte Marie.

Mme Klopfenstein Broggini insiste: «Je comprends les réticences d’Ensemble à Gauche, mais nos partenaires doivent se demander comment faire barrage à la droite.»

«L’élection est en deux tours, il n’y a aucun risque à présenter plusieurs candidats au premier, rétorque M. Burgermeister. Il faut que nous participions à cette campagne pour permettre un débat sur des choix de société alors que l’accumulation des richesses, d’un côté, et la paupérisation, de l’autre, vont s’accroître.»

Delphine Klopfenstein Broggini pas candidate

A gauche, les Verts ambitionnent de placer une femme au gouvernement. La sénatrice Lisa Mazzone ne se porte pas candidate, tout comme la conseillère nationale et présidente du parti genevois, Delphine Kopfenstein Broggini. «J’ai été bien élue au Conseil national et je siège à la commission de l’environnement, de l’aménagement et de l’énergie où le travail est passionnant. J’ai un rôle à jouer à Berne, je veux m’y faire ma place.» La députée Marjorie de Chastonay? Je suis «intéressée par cette campagne pour défendre les thèmes qui me tiennent à cœur». La maire d’Onex et enseignante d’histoire au collège, Maryam Yunus Ebener, est aussi candidate à la candidature: «Il est temps que les Verts aient une deuxième personne au gouvernement pour favoriser la transition écologique.»

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