Édito

Une juge contre l’IVG

Une juge contre l'IVG
Amy Coney Barrett.Keystone
États-Unis

Opposés depuis toujours au droit à l’avortement, les conservateurs américains tiennent aujourd’hui leur héros. Leur héroïne plutôt: Amy Coney Barrett, qui pourrait être confirmée très prochainement comme juge à la Cour suprême des Etats-Unis. Mère de sept enfants dont deux adoptés, professionnellement accomplie, cette avocate ultra-conservatrice de 48 ans incarne à elle seule l’idée chère à cet électorat que les femmes n’ont pas «besoin» du droit à l’avortement. A condition, de préférence, d’être de classe moyenne supérieure, blanche et mariée…

Samedi, des milliers d’opposantes à Donald Trump manifestaient aux Etats-Unis pour protester contre cette nomination à la Cour suprême, qui porterait à six (sur neuf) le nombre de juges conservateurs, après le décès de la progressiste Ruth Bader Ginsburg, brillante pourfendeuse des discriminations sexistes. Fervente catholique, hostile à l’avortement, Amy Coney Barrett affirme l’être à titre personnel uniquement. Lors des récentes auditions devant le Sénat, elle a répété à plusieurs reprises que sa foi n’interférerait pas avec sa mission de juge. Pas de quoi rassurer les manifestantes: elle a aussi déclaré qu’une carrière légale était «un moyen au service d’une cause», à savoir «construire le Royaume de Dieu». Amy Coney Barrett estime surtout que l’arrêt Roe v. Wade, qui légalise depuis 1973 le droit à l’avortement, n’est pas un «super-précédent» (traduire, une loi intouchable) et que les dispositions locales de certains Etats concernant l’IVG pourraient bien devoir évoluer –  dans son sens.

Cette nouvelle droitisation de la Cour aura bien d’autres implications encore: sur l’Obamacare, dont le maintien est plus important que jamais en cette période de pandémie, sur le mariage de couples du même sexe, sur le droit du travail – un grand nombre de décisions de la Cour Suprême y ont trait. La future juge s’est aussi attirée les louanges du lobby des armes à feu en plaidant, en Cour d’appel, que détenir un casier judiciaire n’était pas incompatible avec le droit de porter une arme.

Malgré les mobilisations récentes et l’opposition des démocrates, le choix de Donald Trump sera sans doute confirmé, les républicains étant majoritaires au Sénat (53 sièges sur 100), et malgré la défection annoncée de deux élues. Ce sera à quelques jours de la présidentielle. En 2016, les républicains avaient refusé d’auditionner un juge nommé à la Cour suprême par le président Obama, sous prétexte que le scrutin présidentiel était trop proche

Opinions Édito Dominique Hartmann États-Unis

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