Santé pour toutes et tous?
«La possession du meilleur état de santé qu’il est capable d’atteindre constitue l’un des droits fondamentaux de tout être humain», affirme l’Organisation mondiale de la santé dans sa constitution. Ce droit fondamental à la santé est spécialement reconnu aux mineur-e-s par la Convention relative aux droits de l’enfant, ratifiée par la Suisse en 1997. Selon cette convention, l’enfant a le droit de jouir du meilleur état de santé possible et de bénéficier de services médicaux et de rééducation.
Quant aux mineur-e-s non accompagné-e-s, le Comité des droits de l’enfant insiste sur l’obligation des Etats de veiller à ce que ces dernier-ère-s, quel que soit leur statut, bénéficient du même accès aux soins de santé que les ressortissant-e-s nationaux/les. Pour garantir un accès effectif aux soins, le Comité ajoute qu’il est nécessaire de porter une attention particulière aux besoins spécifiques des mineur-e-s non accompagné-e-s. 1> Comité des droits de l’enfant (CDE), Observation générale N° 6, 2005.
Dans les faits, le constat est que le statut légal peut jouer un rôle en Suisse dans l’accès aux soins. Dans le cadre de l’asile, les autorités doivent mettre en place une couverture d’assurance-maladie permettant aux requérant-e-s mineur-e-s non accompagné-e-s (RMNA) d’avoir accès aux mêmes prestations de soins que toute personne assurée. 2> Article 82a de la Loi fédérale sur l’asile (LAsi).
La situation est, en revanche, plus floue pour les mineur-e-s non accompagné-e-s sans autorisation de séjour (MNA). Sur le plan juridique, ils/elles doivent également avoir une couverture maladie comme toute personne domiciliée en Suisse 3>Article 3 de la loi fédérale sur l’assurance maladie (LAMal), Arrêt du Tribunal fédéral 125 V 76 consid. 2.a) confirmant que seul le domicile en Suisse est déterminant quant à l’obligation d’assurance-maladie, ceci nonobstant le statut légal de la personne. Etant mineur-e-s, ce sont leurs représentant-e-s légaux/les, notamment les curateurs/trices nommé-e-s, qui sont tenu-e-s de les assurer. Des associations et collectifs de défense ont toutefois dénoncé ces dernières années à maintes reprises l’absence de prise en charge des MNA à Genève. L’accès à l’assurance-maladie et par conséquent aux soins peut s’avérer plus compliqué pour des jeunes souvent isolé-e-s.
Une infirmière raconte: «Lors de l’occupation du Grütli en janvier, j’ai été effrayée par la mauvaise santé des jeunes; on voyait qu’il y avait de l’errance depuis longtemps.» La langue, le manque de moyens et surtout la méconnaissance du réseau de santé sont également des obstacles: «Je me suis aperçue que si j’accompagne la personne, c’est davantage garanti qu’elle ait accès aux soins», continue-t-elle. Pourtant, indépendamment d’une couverture maladie, l’article 12 de la Constitution fédérale assure à tout-e individu-e, quel que soit son statut, le droit à des conditions minimales d’existence. Ce droit garantit la couverture de besoins élémentaires, notamment les soins médicaux de base. Cette garantie ne vise toutefois, selon le Tribunal fédéral, qu’une aide d’urgence dont la mise en œuvre est du ressort des cantons. 4>Voir par exemple: Arrêt du Tribunal fédéral 139 I 272 consid. 3.2. Des structures telles que la consultation ambulatoire mobile de soins communautaires (CAMSCO) à Genève offrent aux personnes vulnérables et sans assurance-maladie une porte d’entrée aux services de santé. Est-ce suffisant pour assurer un suivi à long terme, en particulier sur le plan psychique, alors que cela semble primordial après un parcours migratoire complexe?
Face à ce constat, rappelons que la Suisse s’est engagée au niveau international à garantir une protection spéciale à tout-e mineur-e sur son territoire sans aucune distinction notamment en raison de son origine ou de sa nationalité. La Suisse doit ainsi garantir que la santé des personnes mineures non accompagnées, qu’elles relèvent de l’asile ou non, soit protégée et qu’elles aient accès à des soins adaptés à leurs besoins.
Notes
Les auteures Pauline Monod et Yasmin Batista sont alumnae de la Law Clinic sur les droits des personnes vulnérables de l’université de Genève.
Rendez-vous mercredi prochain pour la suite de la série.