Édito

Armement: légendaire discrétion suisse

ARMEMENT: LEGENDAIRE DISCRETION SUISSE
La Confédération risque de ne plus être propriétaire pour longtemps de Ruag Ammotec – d’une valeur estimée entre 300 et 400 millions de francs selon la Neue Zürcher Zeitung. Sa vente est annoncée. KEYSTONE/Peter Klaunzer
Armement

Pour vivre heureux, vivons cachés. L’adage semble convenir à l’industrie de l’armement suisse. Nos confrères et consœurs de la Wochenzeitung ont dû batailler ferme pour obtenir auprès du Secrétariat d’Etat fédéral à l’économie (Seco) les données relatives aux exportations d’armes produites sur sol helvétique. Il leur a fallu aller jusqu’au Tribunal fédéral pour obtenir gain de cause. Une procédure qui a pris cinq ans! Et le Seco leur a ensuite facturé la somme de 5458 francs pour le travail de compilation des données…

Après l’obstacle légal, la barrière de l’argent. Et les entreprises ont ensuite invoqué le sacro-saint secret des affaires pour réduire ad minima leurs réponses aux questions des journalistes de la WOZ. Généralement en abusant de la langue de bois. Y compris dans des entreprises en mains publiques.

Deux lignes directrices se dégagent de l’enquête de l’hebdomadaire alémanique dont Le Courrier publie une traduction dans ce numéro. Tout d’abord, la Suisse se place au 13e rang des exportateurs mondiaux en matière d’armement. Il y a certes des géants – Etats-Unis, Chine, Russie, France, Allemagne – devant elle, mais la part de marché de la Suisse est de près de 1% et en croissance. Le montant total des exportations de matériel de guerre a atteint 728 millions en 2019. Et il a explosé au premier semestre de cette année, pour s’élever à 501 millions de francs. Le double de l’année précédente.

Deuxième aspect à mettre en exergue: une douzaine d’entreprises s’assurent la majorité de ce marché et détiennent 80% des autorisations d’exportation. Et les compagnies suisses sont souvent intégrées à des groupes internationaux, à l’image du constructeur de chars Mowag, qui appartient à l’Etasunien General Dynamics.

L’argument souvent servi durant les compagnes de votations sur ces questions d’une économie fortement créatrice d’emplois, car faite de PME, se révèle faux – et gageons que cela sera de nouveau le cas dans le dossier de l’acquisition de nouveaux avions de combats, sur laquelle le peuple se prononcera le 27 septembre prochain.

Cette économie est d’ores et déjà globalisée, soumise au aléas des délocalisations et de la rationalisation. Ce qui peut faciliter le travail des milieux pacifistes lorsqu’ils plaident pour une Suisse ne trempant pas dans cette industrie de la mort. Ces emplois sont moralement mutilants. Et moins nombreux qu’on ne voudrait nous le faire croire. La nécessaire reconversion industrielle vers des jobs socialement utiles s’en trouvera facilitée. La seule bonne nouvelle dans ce dossier qui, sinon, fait froid dans le dos.

Opinions Édito Philippe Bach Armement

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