Des situations de tension extrême
Je reviens sur l’article paru en Une du Courrier «Chevrilles zone de non droit?» pour apporter quelques précisions. Cet article relatait notamment l’histoire d’un requérant qui aurait été malmené par des agents.
Or il se trouve que notre fils a travaillé dans ce centre jusqu’à juin 2020 et les faits ne se sont pas du tout déroulés comme relaté dans cet article selon son témoignage.
Ce requérant avait déjà auparavant montré des signes d’un esprit perturbé, notamment en se jetant, sans réelle raison, contre une vitre, qui cette fois-là, ne s’était pas cassée.
Ce jour-là, comme souvent entre requérants d’ethnies différentes et qui ne se comprennent pas, il y a eu des altercations que les agents se devaient de gérer, en renvoyant chacun dans sa chambre. Ce requérant en est malgré tout ressorti et a agressé un agent. Il a été maintenu au sol, mais, en se débarrassant de ses habits, il est parvenu à se dégager et à s’enfuir de quelques mètres. Au lieu de passer par la porte qui était ouverte, il s’est jeté contre la vitre qui a cédé.
Aussitôt pris en charge, un garrot posé sur son mollet qui saignait abondamment, il a attendu l’ambulance. Parallèlement, un début de mutinerie s’était installé, des requérants prenaient des photos, certains voulant ôter le garrot pour qu’il y ait davantage de sang…
Ces situations de tension extrême se produisent très facilement. Tout est prétexte à un affrontement pour certains: la fouille, les repas et la vie communautaire en générale. Ce centre est très bien équipé: il a deux salles de fitness (homme/femme), deux salles de télévisions et ordinateurs, ainsi qu’une grande salle de cinéma.
La Confédération alloue une somme de 28 francs par requérant et par jour pour la nourriture. Il y a aussi un magasin de vêtements où il est possible de se vêtir gratuitement. Ils jouissent de nombreux avantages au niveau des transports et chacun reçoit trois francs par jour. Cette somme peut augmenter (jusqu’à 30 francs) si le requérant s’implique dans de petits travaux d’utilité publique.
Les requérants ne sont pas seulement confrontés aux agents, mais ils sont aussi accompagnés dans leurs démarches par des ORS, assistants sociaux (souvent d’anciens requérants) formés durant trois mois, et qui parlent leur langue. Il est parfois difficile pour les agents de sécurité de savoir ce qui se passe vraiment entre requérants, et pour cela les ORS sont utiles, pour autant qu’ils soient fiables, Notre fils en a surpris un introduisant des marchandises illicites et gérant un trafic avec un requérant compatriote. L’assistant social (ORS) a bien sûr été licencié sur le champ, mais notre fils a reçu des menaces de mort de la part de requérants impliqués: «On va te faire la peau!».
Notre fils, agent auxiliaire, avait un salaire horaire brut de 24 francs. Il n’avait pas de gilet de protection au départ, ni de masque, lorsqu’il a été affecté au septième étage qui est celui où résidaient les malades du Covid. Pour un travail somme toute dangereux (crachats, insultes, coups de couteau) avec des risques élevés (maladies), la rétribution n’attire que des étudiants ou des personnes sans qualification, souvent frontalières. Le relatif confort dont jouissent les requérants et le mépris qu’affichent certains envers le matériel (vitres forcées pour pouvoir fumer, par exemple) n’encouragent pas de bonnes relations entre requérants et agents.
Ces faits apportent les nuances nécessaires afin d’avoir une vision plus objective de se qui se vit au centre de Chevrilles.
Dany Allenbach,
Genthod (GE)