Édito

On ne surfe pas sur une vaguelette

On ne surfe pas sur vaguelette
Au pays de l’atome, le symbole est fort: au lendemain d’une poussée inédite des candidats écologistes aux élections municipales, la France a débranché lundi la centrale de Fessenheim, en Alsace. Keystone
France

Au pays de l’atome, le symbole est fort: au lendemain d’une poussée inédite des candidats écologistes aux élections municipales, la France a débranché lundi la centrale de Fessenheim, en Alsace. Le démantèlement du site, le premier en France d’une centrale nucléaire à eau pressurisée, prendra bien une vingtaine d’années, mais son lancement a opportunément coïncidé avec le verdissement du discours d’Emmanuel Macron, qui pourtant n’est pour rien dans cette fermeture décidée par son prédécesseur François Hollande. Flou dans les promesses, mais rassurant dans le ton, le bateleur de l’Elysée a signifié qu’il reprendrait à son compte l’essentiel des 150 mesures préconisées par la Convention citoyenne sur le climat. Mais davantage que le futur de la planète, c’est bien son avenir politique qui semble le préoccuper.

Elu en 2017 grâce à l’ambiguïté de son positionnement à la fois à gauche et à droite, Emmanuel Macron a rapidement assumé une politique libérale classique, mettant syndicats et perdants de la mondialisation dans la rue. Un programme qu’il a fini par incarner presque physiquement, entre mépris de classe et égocentrisme exacerbé, rendant un tournant social absolument inimaginable à l’horizon 2022.

Face au risque de voir le centre-gauche se recomposer autour des écologistes et lui couper la route du second tour, l’option choisie par Emmanuel Macron est d’emprunter la voie verte, en tout cas symboliquement. Guère plus crédible sur le fond – qu’on se souvienne du divorce fracassant d’avec Nicolas Hulot – ce virage écolo a au moins l’avantage de le mettre en rapport avec un électorat socialement proche du sien (instruit, gagnant correctement sa vie). Ce dernier sera plus facile à mobiliser en cas de deuxième tour face à l’épouvantail Marine Le Pen que les classes populaires.

Les Verts (EELV) sauront-ils incarner une opposition suffisamment ferme et crédible pour éviter le piège tendu par M. Macron? La stratégie mouvante de leur leader Yannick Jadot, naguère ni de gauche ni de droite et se présentant désormais en fédérateur de la gauche, n’est guère rassurante. Or, le projet écologiste aura bien de la peine à s’installer à l’Elysée puis à gouverner la France sans l’appui de l’ensemble des forces de transformation sociale et une prise en compte sérieuse des inégalités et des souffrances populaires. Une présidentielle ne se gagne pas avec 40% de participation électorale comme les municipales de dimanche mais avec près du double. Les victoires écologistes à Lyon, Strasbourg, Bordeaux ou Grenoble ne doivent pas occulter que les Verts ne gouverneront qu’environ 3% des villes de plus de 30’000 habitants…

A deux ans de la présidentielle, la gauche française a certes retrouvé des couleurs. Mais le chemin de l’Elysée exigera une bonne dose de modestie – un vrai challenge pour EELV – et une unité loyale entre les progressistes. Un défi redoutable pour tous.

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