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Une reconnaissance nécessaire

Dominique Belin souhaiterait voir reconnu un crime de guerre occulté jusqu’à ce jour et qu’il rappelle à notre mémoire.
Histoire

Le 8 mai 2020, nous célébrons le 75e anniversaire de la fin de la guerre en Europe. Le procès de Nuremberg condamna les principaux dirigeants du régime nazi encore en vie pour crimes contre la paix, crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Malgré le caractère discutable de certains verdicts, ce procès mit en lumière une grande partie des crimes atroces commis par ce régime.

Il y eut aussi d’autres crimes de guerre qui ne firent pas l’objet d’un procès. Ils sont néanmoins largement connus et condamnés moralement. Les deux principaux sont le bombardement de Dresde par l’aviation anglaise, une ville dépourvue d’importance stratégique. Le massacre des officiers polonais à Katyn et ailleurs par les troupes de sécurité du NKVD soviétique fut révélé par l’Allemagne. Tenu pratiquement secret dans les pays du bloc soviétique pendant des décennies, il fut reconnu par Gorbatchev, puis par Eltsine qui remit aux autorités polonaises l’ordre d’exécution signé par Staline et tous les membres du bureau politique. Ces deux crimes font désormais partie intégrante de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale.

Mais il reste un crime de guerre largement occulté de cette histoire. Dès l’entrée des troupes soviétiques dans le territoire du Reich, d’innombrables femmes allemandes de tout âge furent violées, parfois des dizaines de fois. Même si certaines de ces femmes avaient soutenu le régime, rien ne saurait justifier ces crimes, et comment rendre responsables celles qui avaient moins de 10 ans? Si on considère le contrôle extrêmement étroit de l’Armée rouge par les commissaires politiques, il est difficile de penser que ces actes étaient spontanés et uniquement provoqués par la terreur criminelle exercée par la Wehrmacht et ses supplétifs sur la population soviétique. A ma connaissance, aucun document ordonnant, justifiant ou laissant faire ces crimes n’a été révélé dans les archives soviétiques. A l’heure où l’armée russe commémore sur la place Rouge les sacrifices héroïques de ses prédécesseurs, il serait juste que les dirigeants russes, qui n’ont aucune responsabilité personnelle dans ces crimes, les reconnaissent enfin. Les femmes allemandes victimes de ces viols, dont les plus jeunes ont dépassé 80 ans, le méritent.

Dominique Belin,
professeur honoraire à l’université,
Genève

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