L’urgent et le nécessaire
Lorsque survient un accident de la route, police et ambulance interviennent aussi rapidement que possible. Les blessés reçoivent les soins d’urgence, puis sont emmenés à l’hôpital; leur survie peut en dépendre. Pour la police, l’urgence sera de sécuriser les lieux et de sauvegarder les éléments matériels permet-tant, ensuite, la nécessaire reconstitution du déroulement de l’accident, dans le but d’établir les responsabilités; ensuite aussi se manifestera pour l’hôpital la nécessité de savoir quelles assurances couvrent les personnes hospitalisées.
Nous avons cette chance que les choses soient suffisamment rodées pour que les intervenants sachent généralement faire clairement la distinction entre l’urgent et le nécessaire. Mais il est d’autres situations où, manifestement, ce n’est pas le cas.
Il y a quelques jours, la télévision nous a montré une chose qui nous paraissait jusque-là impossible: une longue file d’attente de personnes qui attendaient pour recevoir quelque chose à manger. Conscients de l’urgence (et, plus que le commun des mortels, de leurs responsabilités), des bénévoles ont mis sur pied une distribution de sacs de vivres de première nécessité. L’émission se poursuit avec l’interview de deux hommes politiques (en relation avec cette situation), dont l’un proclame avec conviction: «Il faut relancer l’économie le plus vite possible».
Quel décalage entre l’urgent et le nécessaire!
Oui, il est certainement nécessaire de relancer l’économie (reste à savoir quelle économie!), mais n’y a-t-il pas urgence à trouver et à développer les moyens de nourrir ceux qui n’ont plus rien et qui ont faim?
Qu’aurions-nous dit d’un Conseil fédéral qui, face au développement de la pandémie, se serait contenté de dire: «Nous allons investir dans la recherche, afin d’accélérer la mise au point d’un vaccin protégeant la population, et de médicaments permettant de soigner les malades.»?
Il y avait des mesures urgentes à prendre, et le Conseil fédéral a su les prendre; merci à lui !
D’autres urgences apparaissent, merci et bravo à ceux qui montent au front!
Une dernière chose. Il est toujours plus facile de brandir la nécessité (sous forme de grands principes ou d’articles de loi) que de répondre à l’urgence, même toute proche: ceux qui ont eu à cœur de venir en aide aux plus démunis… ont commencé par avoir des ennuis avec l’autorité. Ou quand la nécessité d’une autorisation passe avant l’urgence de la faim…
Il me paraît nécessaire que les événements que nous vivons bousculent quelques habitudes. Et quelques certitudes (les «religions» d’aujourd’hui ont aussi leurs dogmes!).
Jean-Luc Crisinel,
Lutry (VD)