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Pandémie céleste

Daniel Cevey s’inquiète des conséquences de la mission Starlink d’Elon Musk.
Astronomie

Alors qu’une terrible pandémie s’est abattue sur notre planète, la lecture d’un entrefilet, perdu au cœur des articles monopolisés par le virus, m’a fait bondir: des lecteurs se sont inquiétés de nombreuses trainées lumineuses dans le ciel nocturne, enfin libéré des traces d’avions. Skyguide explique qu’il s’agit de satellites basse altitude de la mission Starlink d’Elon Musk.

Notre planète souffre, prise en otage par des dirigeants cupides et manipulateurs. Trump s’enlise dans l’exploitation effrénée du charbon et du gaz de schiste, Bolsonaro saccage l’Amazonie, l’industrie triomphante rechigne à s’engager sur la voie du développement durable. Et voilà qu’un milliardaire illuminé et mégalo s’en prend à notre ciel, avec, entre autres buts, d’accroître sa fortune (bénéfice estimé à 30 milliards de dollars par an!). Son projet: doter chaque mètre carré de notre planète d’un accès internet à haut-débit. Pour cela, il faudra déployer une constellation de plusieurs milliers de satellites à basse altitude (12 000, voire 45 000!). Chacun d’eux renvoyant la lumière du Soleil, avec un éclat proche de celui de Sirius, l’étoile la plus brillante de notre ciel, cela va dramatiquement augmenter la pollution lumineuse, nous masquant un peu plus les merveilles de l’Univers profond. Bien que le phénomène ne soit visible qu’en début et en fin de nuit, on imagine l’impact catastrophique de ces milliers de points lumineux parasites alors que seules environ 6000 étoiles sont visibles à l’œil nu dans de bonnes conditions. Les poètes et les contemplatifs ne seront pas les seuls à pâtir de ce délire, les observations des astrophysiciens professionnels seront aussi fortement impactées. Alors qu’une centaine seulement de ces satellites sont actuellement en orbite, ils rendent déjà inutilisables nombre de clichés pris par les télescopes au sol.

Qui est ce Monsieur Musk, pour s’approprier impunément notre patrimoine commun: le ciel? A quelles aberrations la course au profit va-t-elle encore nous mener?

Je concède qu’actuellement notre priorité est ailleurs! Mais lorsque ce foutu virus nous laissera enfin tranquille, et que notre ciel ressemblera au plafond d’une discothèque, il sera trop tard pour s’en inquiéter.

Toutefois, je tiens à exprimer ma solidarité et ma compassion à tous ceux qui souffrent de la situation actuelle, ainsi que ma profonde reconnaissance à tous ceux qui œuvrent sans relâche pour assurer notre santé et notre sécurité.

Prenez le plus grand soin de vous… et de notre planète!

Daniel Cevey,

physicien et astro-photographe, Crans-près-Céligny (VD)

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