Par-delà les barrières
A la fenêtre ou sur le Net, ce 1er Mai 2020 sortira de l’ordinaire. Pas même les conflits mondiaux n’avaient empêché des milliers de travailleurs du pays de se rassembler, chaque année depuis 1890, pour leur Journée internationale. Comme un symbole du recul des libertés publiques et démocratiques que cet état d’exception sanitaire porte en germes: alors que l’économie reprend ses droits, que le contrôle social s’accentue, leurs anticorps naturels – la culture, les luttes sociales et la sociabilité – seront durablement affaiblis.
Une mise hors-jeu du mouvement social au moment même où les prolétaires rappellent au monde leur centralité. Pseudos-créateurs de valeur et de richesse, le capital et le patronat se sont retrouvés forts dépourvus quand le confinement des travailleurs fut venu. Plus: ce sont les métiers les plus dévalorisés par le capitalisme – vendeurs, livreurs, nettoyeurs, care – qui ont été envoyés au front, indispensables pour faire tourner la machine, tandis que les possédants se terraient dans leurs résidences secondaires. Et c’est bien le secteur public, particulièrement hospitalier, qui a permis d’enrayer la catastrophe sanitaire, tandis que nos arrogantes pharmas se montraient incapables de produire et de fournir en suffisance masques et médicaments.
Un contraste frappant qui permet de mieux saisir le monde dans lequel évoluent la plupart de nos gouvernants. Tandis que la population se penchait spontanément aux fenêtres pour applaudir caissières et personnel soignant, Berne comme Paris ont pris soin de déverser leurs millions uniquement sur les entreprises privées.
Cet embryon de mouvement social, aussi limité soit-il, montre la voie. En cette journée de célébration tronquée, la majorité des travailleurs de la planète vit dans la crainte du virus et/ou de ses conséquences économiques, repliée au sein de frontières nationales redevenues étanches, retranchée dans le virtuel ou envoyée au front bombardée d’injonctions anxiogènes sur la «distance sociale» à garder et les gestes «barrière» à réaliser.
Le risque qu’un fossé se creuse est réel. L’USAM1>Union suisse des arts et métiers, organisation faîtière des PME suisses.l’a bien compris, qui a choisi ce début de déconfinement pour attaquer sabre au clair les acquis des salariés. Cette fête des travailleurs ne pouvait tomber mieux: l’urgence est au retissage des liens, à l’affirmation des droits et à la réactivation des luttes. Bon 1er Mai à tous.
Notes