Refléter les vices
Quelle ironie d’ouvrir ce spectacle sur les célèbres paroles de Jacques Brel «Quand on n’a que l’amour à s’offrir en partage». Il faut dire que la comédie de Marivaux parle d’amour, certes, mais pas sous ses plus belles facettes. Dans cette œuvre parue en 1724, il est avant tout question de manipulations, de trahisons et de cupidité. Avec une mise en scène qui actualise la fable, Jean Liermier offre une adaptation subtile de La Fausse suivante. Le public assiste aux fourberies de Lélio, qui s’est engagé à épouser la Comtesse, une femme maniérée, sensible et fortunée. Lorsqu’il apprend l’existence d’une «demoiselle de Paris», bien plus jeune et surtout bien plus riche, il cherche un moyen de rompre son engagement sans avoir à payer les dix mille livres de dédit prévus dans le contrat de fiançailles. Il ignore alors que le Chevalier, avec lequel il s’est récemment lié d’amitié, n’est autre que la fameuse demoiselle, déguisée en homme afin de l’observer. S’enchaînent alors les quiproquos sur fond de mensonges échangés entre ces riches oisifs et avec leurs domestiques.
La scénographie propose une simple pièce aux murs nus – une boîte blanche. Celle-ci, pourtant, change drastiquement d’ambiance grâce aux lumières de Jean-Philippe Roy qui attribuent à chaque acte sa couleur. Bien que le thème soit sombre, le texte plein d’esprit et les traits comiques marqués dans le jeu de certains comédiens déclenchent des vagues de rires dans les gradins. Avec ses six interprètes, Jean Liermier rend justice à la pièce en montrant qu’elle garde, trois cents ans plus tard, toute sa pertinence, en se faisant le reflet d’une société dont l’opportunisme et l’égocentrisme trouvent, auprès du public, une résonance malheureusement trop évidente.
> Théâtre de Carouge, Genève.
Les critiques des étudiant-e-s du Programme romand en dramaturgie et histoire du théâtre sont disponibles dans leur version intégrale sur le site de l’Atelier critique: ateliercritique.ch